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enfin l’effacement des anciens partis par l’avènement des jeunes générations, imbues d’idées plus larges et plus élevées. Tous ensemble, par la parole ou la plume, déterminèrent ce mouvement d’idées remarquable dont le souvenir est inséparable de celui de la jeune Angleterre, nom par lequel on désignait ironiquement le groupe de novateurs dont M. Disraeli était le chef. Ce mouvement, à la fois religieux, philanthropique et politique, tient une trop grande place dans l’histoire morale de l’Angleterre contemporaine, et le rôle de M. Disraeli y a été trop considérable pour qu’il ne convienne pas d’y insister.

L’église anglicane, à partir des premières années du XVIIIe siècle, était tombée dans un état de torpeur funeste; de plus elle était descendue à l’état de simple dépendance du gouvernement. Les dignités ecclésiastiques étaient devenues une monnaie à l’usage des partis, qui les distribuaient en récompense de services politiques. Les dignitaires ainsi choisis, sans qu’il leur fut demandé de justifier d’aucun titre, ni même d’aucune aptitude, se contentaient de toucher leur prébende, voyageaient sur le continent et se renfermaient dans une opulente oisiveté, abandonnant les soins du ministère à des substituts assez mal rétribués pour être aussi pauvres que leurs plus pauvres paroissiens. L’église avait ainsi perdu toute action sur les âmes, toute influence sur la société. Les seules productions qui sortissent des plumes ecclésiastiques étaient des recueils d’homélies ou des traités de morale affadie. Cette apathie d’une église dotée de revenus considérables et indifférente à ses devoirs spirituels formait un contraste trop frappant avec le zèle et l’activité des sectes dissidentes, soutenues uniquement par les contributions volontaires de leurs adhérens, pour ne pas avoir attiré l’attention des réformateurs. Les disciples de Bentham dirigeaient les attaques les plus vives contre la dotation de l’église et surtout contre le commerce simoniaque des bénéfices qui mettait aux enchères l’exercice du ministère spirituel.

Vers 1830, les premiers symptômes d’une rénovation se produisirent au sein de l’église elle-même, comme un contre-coup des attaques dont elle était l’objet. Deux hommes de mérites différens, deux dignitaires de l’université d’Oxford, ont attaché leur nom à ce réveil : l’un était le Dr Pusey, auteur de nombreux ouvrages théologiques et controversiste éminent; l’autre était le Dr Keble, auteur de l’Année chrétienne (the Christian Year), recueil de cantiques pour tous les jours de l’année, aujourd’hui répandus et chantés partout où se parle la langue anglaise. Pusey était un théologien, Keble était un éducateur d’une influence irrésistible sur les jeunes esprits. Ils entreprirent de ramener l’église anglicane aux doctrines et à la ferveur des premiers âges du christianisme.