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ceux qui éprouvaient le besoin d’une autorité devaient donc être entraînés par une pente irrésistible là seulement où cette autorité religieuse existe, vers le catholicisme.

A l’époque où la Jeune Angleterre commença d’attirer l’attention publique, le puseyisme n’avait pas encore dévié vers le catholicisme : il était dans toute sa force et n’avait pas conscience des conséquences qu’il portait dans son sein : il était encore à l’état d’aspiration vers la vérité religieuse, vers le réchauffement de la foi dans les âmes, vers l’affranchissement de l’église. Les conséquences politiques et sociales de ce mouvement religieux devaient seules préoccuper un esprit comme celui de M. Disraeli. Pourquoi l’église anglicane avait-elle cessé d’être populaire? Pourquoi la direction des esprits lui avait-elle complètement échappé? Cet anéantissement de son influence n’était-il pas un mal et un danger?

L’église était autrefois la grande nourricière du peuple. Par l’instruction, elle lui donnait le pain de l’intelligence. Par ses libéralités, par les aumônes qu’elle distribuait, elle lui donnait souvent le pain de la vie matérielle. Par la beauté des édifices religieux, par les splendeurs du culte, par l’éclat des cérémonies, elle satisfaisait aux besoins de son imagination : elle était pour ceux qui souffraient une consolation de tous les instans. Elle était aussi une école permanente d’égalité, car son enseignement, ses prédications, ses prières appartenaient aux pauvres comme aux grands de ce monde : tous étaient égaux aux pieds des autels. Le pauvre était donc instruit, il était secouru, il était consolé et, dans toutes les épreuves de la vie, une influence bienfaisante était toujours prête à s’exercer pour apaiser son esprit aigri, pour lui enseigner la résignation, pour ranimer son espérance.

L’état avait mis violemment la main sur l’église : le prêtre avait disparu; il avait fait place à un fonctionnaire préoccupé de ses intérêts matériels, anxieux de plaire aux grands, désireux de gagner son salaire le plus facilement et avec le moins d’effort possible. L’église avait abandonné le pauvre, et le pauvre s’était éloigné d’elle. Ses temples demeuraient vides : on n’y voyait plus, le dimanche, que les grands propriétaires du pays, les fournisseurs jaloux de leur complaire en tout, et quelques bourgeois qui trouvaient de meilleur ton d’aller au temple qu’aux assemblées des non-conformistes. De là les attaques dirigées contre l’église; son utilité contestée, sa constitution et son existence même mises en péril.

L’état n’a-t-il pas perdu autant que l’église à cet abandon des traditions du passé? Le pauvre est laissé à lui-même; il est livré à toutes les influences mauvaises. Comme il n’a plus de soutien moral et que rien ne détache plus son esprit de la terre, il se dégrade de plus en plus sous l’action de la misère ; il s’habitue à vivre de la