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de discuter la conduite du gouvernement dans le démêlé qui s’était élevé entre la Serbie et la Porte. Lorsque sir Robert Peel eut répondu à lord Palmerston, M. Disraeli, qui dans le cours de la session avait deux fois interrogé le gouvernement sur cette même question sans obtenir jamais d’explications nettes et précises, se leva et commença par rappeler à la chambre ces deux circonstances dans lesquelles « le premier ministre lui avait répondu avec cette lucidité dont il avait le secret et avec cette courtoisie qu’il réservait pour ses partisans. » Après ce sarcasme, l’orateur fit ressortir les tergiversations et les contradictions de la politique ministérielle, et démontra sans peine que le premier ministre avait induit la chambre des communes en erreur en prétendant que l’intervention de la Russie en faveur des Serbes était justifiée par les traités d’Ackerman et d’Andrinople, qui ne donnaient à cette puissance aucun droit à cet égard. Il invita le gouvernement à montrer plus de fermeté, s’il voulait prévenir la crise que tout le monde prévoyait dans l’avenir. Après les événemens qui viennent de s’accomplir en Orient, il est intéressant de relire la conclusion de ce discours, prononcé il y a trente-cinq ans : « L’action diplomatique de l’Angleterre doit avoir pour objet de maintenir la Turquie dans une situation qui lui permettra de défendre l’indépendance des Dardanelles. Il n’en serait point ainsi si la politique que le gouvernement a adoptée dans la question de Serbie venait à être poursuivie. Les ministres essaieraient en vain de se faire illusion sur la situation de la Turquie. La Turquie est à terre, moins par l’effet d’une décadence naturelle que pour avoir été frappée par derrière. C’est la diplomatie européenne qui, par la conduite qu’elle a tenue dans les vingt dernières années, a réduit la Turquie à sa faiblesse présente : ce n’est pas le déclin de ses ressources, qui sont encore incomparables. »

Ce discours donna lieu à un incident caractéristique. Aux termes du règlement, sir Robert Peel, qui avait parlé après lord Palmerston, ne pouvait prendre une seconde fois la parole ; ce fut un de ses collègues, lord Sandon, qui répondit à M. Disraeli. Lord Sandon, partageant et exagérant peut-être le mécontentement de son chef, mit dans sa réponse une violence et une maladresse extrêmes. Il déclara que « des attaques contre le gouvernement, quand elles partaient des bancs ministériels, étaient inconvenantes. Était-il admissible que de jeunes membres de la chambre se levassent derrière les ministres qu’ils prétendaient soutenir, non pas seulement pour exprimer une divergence d’opinion, mais pour prodiguer les insultes et les outrages aux hommes qu’ils affectaient d’appuyer ? Ce n’était pas seulement son opinion ; c’était, il le savait,