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d’amères récriminations. Une motion d’un député tory, M. Miles, demandant que les excédans de recettes fussent appliqués au soulagement de l’agriculture, fournit à M. Disraeli l’occasion de passer en revue l’administration de sir Robert Peel. Rappelant qu’en 1836, le marquis de Chandos avait présenté, avec l’appui et sous la direction du premier ministre, une motion exactement semblable à celle que le gouvernement combattait, il cita malignement les discours que la plupart des membres du cabinet avaient prononcés en cette occasion, comme autant de garanties du vote qu’ils ne pouvaient manquer d’émettre. Arrivant alors à sir Robert Peel, et énumérant les promesses par lesquelles il avait endormi ses amis et les déceptions qu’il leur avait fait éprouver, il lui reprocha de ne laisser à ses partisans que les plaisirs de la mémoire, les douceurs des souvenirs, et il termina en l’accusant de méditer l’abandon complet des Corn Laws. « La protection, dit-il, me semble être aujourd’hui à peu près dans la position du protestantisme en 1828. » Nombre de tories trouvèrent que M. Disraeli se laissait emporter trop loin, et lord George Bentinck lui dit, après la séance, qu’il calomniait le premier ministre. M. Disraeli, comme lord George le proclama quelques mois plus tard, était prophète. Sa clairvoyance avait pénétré les secrètes pensées de sir Robert Peel. Les hésitations et les tergiversations du premier ministre, ses réticences dans les débats, le soin avec lequel il évitait de renouveler aucun des engagemens du passé : tout révélait le travail qui s’opérait dans son esprit.

M. Disraeli prit encore parti contre le gouvernement, avec un grand nombre de tories, dans la discussion mémorable à laquelle donna lieu l’augmentation de crédit proposée par sir Robert Peel en faveur du séminaire catholique de Maynooth. Il n’employa aucun des argumens que l’intolérance religieuse suggérait aux protestans fanatiques de la chambre des communes ; il combattit la mesure ministérielle comme un premier pas dans une voie mauvaise, comme une tentative pour subordonner à la politique les influences religieuses. Étendrait-on ce système à toutes les églises ? leur donnerait-on à toutes une dotation dans l’espoir de les asservir ? L’orateur se prononçait pour l’indépendance des églises. « Vous voyez, dit-il, crouler sous vos pieds votre système d’érastianisme. Allez-vous adopter un principe panthéiste ? J’ai, pour ma part, une confiance inébranlable dans la stabilité de notre église, mais je tiens que la seule source de danger pour elle est dans ses relations avec l’état, relations qui la soumettent au contrôle d’une chambre des communes qui n’est plus nécessairement de la même communion qu’elle. Laissez l’église à elle-même et elle ne reculera devant aucune lutte, quelque redoutable qu’elle puisse être. Même en Irlande, si la question se posait ainsi : Voulez-vous séparer l’église