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sorte un témoignage visible de l’extension primitive de l’atmosphère de cette planète et de ses retraites successives. Tant de preuves accumulées donnent certainement à l’hypothèse cosmogonique de Laplace un très haut degré de probabilité.

Une dernière confirmation est fournie par les récentes découvertes dont nous sommes redevables à l’analyse spectrale. L’étude du spectre des nébuleuses a fait reconnaître que, si un grand nombre d’entre elles ne sont que des amas d’étoiles, d’autres sont réellement encore à l’état gazeux, — véritables échantillons du chaos, — et répondent parfaitement à l’idée que Kant, Laplace et W. Herschel se faisaient de la première phase des mondes sortis de la main du Créateur. Parmi ces nébuleuses, il y en a deux qui semblent composées d’un globe entouré d’un anneau, comme Saturne, et dans beaucoup d’autres on croit deviner les traces d’un mouvement gyratoire dont les tourbillons enfanteront des systèmes planétaires.

Parmi les travaux modernes qui ont affermi les bases et développé les conséquences de la théorie de Laplace, il faut placer au premier rang les belles recherches de M. Edouard Roche sur la figure des corps célestes, que l’auteur a récemment complétées par un Essai sur la constitution et l’origine du système solaire M. Roche montre d’abord qu’en vertu de la forme particulière de la « surface libre » qui termine l’atmosphère, — surface qui offre une arête saillante tout le long de l’équateur, — lors de la contraction de la nébuleuse, une couche fluide doit couler des pôles vers l’équateur et s’échapper par l’arête saillante comme par une ouverture : c’est ainsi que se forme une zone équatoriale, indépendante de l’astre central, qui constitue un anneau extérieur. Mais la théorie fait voir qu’en outre une partie du fluide descendu des régions polaires doit former des anneaux intérieurs, et c’est là l’origine des deux anneaux de Saturne dont le rayon est moindre que deux fois le rayon de la planète ; car, la limite équatoriale de l’atmosphère de Saturne étant aujourd’hui égale à 2, il n’y a pas pu avoir d’anneau délaissé en deçà de cette distance. La théorie de Laplace, qui n’admet que des anneaux extérieurs, ne rend compte que de la formation du plus grand des trois anneaux. M. Roche pense que la lune, elle aussi, est née d’un anneau intérieur et qu’elle s’est progressivement développée au sein même de l’atmosphère terrestre, jusqu’à ce que celle-ci, se retirant peu à peu, ait abandonné son satellite.

Toutes les considérations qui militent en faveur de la conception de Laplace rendent évidemment très plausible l’hypothèse de la fluidité primitive de la terre; mais elles ne décident pas la question de savoir si le noyau est encore liquide. Voici comment on a essayé d’élucider cette obscure question.

Ce bourrelet équatorial, qui change si peu la forme générale de