Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/958

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’a rien à gagner, où la paix du pays risque d’être atteinte et par des conflits religieux toujours graves et par les crises politiques qui peuvent en être la suite.

La vérité est que dans ces lois par lesquelles M. le ministre de l’instruction publique a cru illustrer son entrée au pouvoir et qui n’ont pas cessé de peser sur le cabinet, sur le parlement, sur l’opinion, tout a été également malheureux, et le fond et la forme, et l’esprit qui a inspiré les projets et les procédés par lesquels ils sont encore soutenus. Tout s’est réuni pour donner à cette campagne un caractère de légèreté emportée et d’incohérence. Assurément, si M. Jules Ferry, restant dans son devoir de ministre de l’instruction publique et reprenant l’œuvre de son prédécesseur, s’était borné à poursuivre avec maturité une réforme de l’enseignement en inscrivant dans ses projets des garanties d’indépendance civile, en réclamant pour l’état la collation des grades, des droits nouveaux ou plus étendus d’inspection et de contrôle ; si M. Jules Ferry était resté dans ces limites, il en aurait déjà fini. Il aurait pu rencontrer encore, sans doute, une certaine opposition, il n’aurait pas trouvé de difficultés sérieuses. Il aurait, à l’heure qu’il est, sa réforme, sa collation de grades restituée à l’état, ses droits d’inspection fortifiés ; mais cela ne lui a pas suffi, et il a imaginé cet article 7 qui éclipse et résume tout, qui est devenu le fond, l’essence, la pensée de la loi. Malheureusement cette pensée, qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, c’est une atteinte au droit commun, c’est la guerre par représaille de parti, par suspicion contre une liberté conquise depuis trente ans ; c’est un arbitraire vague, mal défini, réclamé pour l’autorité ministérielle contre des corporations dont on n’a pas même encore réussi à caractériser la position, qu’on ne peut saisir que par leur habit ou par leur nom, qui après tout n’ont rien d’illicite tant qu’elles ne prétendent à aucun privilège, tant qu’elles restent dans le droit commun. Voilà encore une fois, le fond de cet article 7, voilà ce qui, dès le premier jour, l’a rendu suspect aux esprits sincères qui ont la faiblesse de croire que la république n’est pas incompatible avec la liberté pour tous. Et qu’on ne dise pas qu’il s’agit ici de circonstances exceptionnelles, d’une défense nécessaire de la société moderne contre les usurpations théocratiques, que si l’article 7 était repoussé aujourd’hui, ce serait une dangereuse victoire des influences cléricales sur la république elle-même. Ce n’est là qu’une confusion plus ou moins habile, une tactique peu sérieuse. Si M. le ministre de l’instruction publique est arrêté dans son entreprise, il sera vaincu moins par le cléricalisme que par une réaction de l’esprit libéral qui aura refusé de le suivre jusqu’au bout dans la voie où il est entré, — et la preuve c’est que, s’il n’y avait eu que l’opposition cléricale, s’il n’y avait pas les libéraux du sénat, l’article 7 serait déjà voté. C’est cet esprit libéral qui reste le meilleur gardien