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plit dans les deux empires, c’est la connexité entre ce travail de diplomatie et une évolution conservatrice qui se poursuit dans une mesure différente, qui ne fait que s’accentuer.

Les élections prussiennes sont pour l’Allemagne l’expression la plus récente de ce mouvement, et certes, si quelque chose peut démontrer l’ascendant de M. de Bismarck, c’est ce qui vient de se passer, c’est le résultat de cette consultation publique. On ne peut pas dire que M. de Bismarck ait cherché à exercer une influence directe et personnelle sur le scrutin. Il laisse à d’autres le soin de s’occuper de ces détails. Il paraît, quant à lui, tout entier à ses combinaisons diplomatiques ou à ses voyages de santé. Il était, il y a quelques semaines, à Gastein, puis il est allé à Vienne ; tout récemment il est reparti pour Varzin, il a paru à peine quelques instans à Berlin. Pendant ce temps, les élections pour le Landtag prussien se font et l’opinion va du côté où marche le chancelier ; elle se fait plus ou moins conservatrice à la suite de M. de Bismarck. S’il y a eu un moment quelque incertitude, causée par le scrutin primaire dans les grandes villes, le résultat général et définitif de l’élection du second degré n’a pas tardé à remettre les choses dans leur vrai jour. Le fait est que les libéraux sortent singulièrement meurtris de l’épreuve, ils sont les grands vaincus du dernier scrutin. Les nationaux-libéraux expient assez durement l’illusion qu’ils ont eue de pouvoir s’imposer à M. de Bismarck et la résistance qu’ils ont opposée à la politique financière ou religieuse du chancelier ; ils ont perdu plus de 50 sièges parlementaires, les progressistes en ont perdu 30. Par contre, les conservateurs, qui ne comptaient que 40 députés, passent au chiffre de 115. Le centre catholique a conquis quelques sièges de plus ; il a un contingent de 96 voix au lieu de 89. Les Polonais ont aussi gagné quelques voix. Au demeurant, dans la chambre nouvelle, l’importance des partis s’est sensiblement modifiée et déplacée. Les conservateurs ne suffisent pas pour constituer par eux-mêmes une majorité ; ils en seront le principal noyau, et au besoin, avec le centre catholique, ils formeront une majorité complète. L’opinion conservatrice a désormais la prépondérance. Ce résultat paraît répondre aux vues du gouvernement.

Est-ce à dire que M. de Bismarck, plus libre avec son parlement nouveau, soit disposé à se laisser emporter par un mouvement de réaction, et à faire ce « voyage de Canossa, » qui est redevenu depuis quelques jours le sujet de toutes les polémiques allemandes ? Il n’est nullement décidé sans doute à faire le a voyage de Canossa, » ou, en d’autres termes, il ne capitulera pas devant le Vatican, pas plus que le Vatican ne capitulera devant lui ; mais avec un pape comme Léon XIII, il croit certainement pouvoir s’entendre, et la paix religieuse, dùt-elle être achetée par quelques atténuations des lois de mai, est devenue désor-