des radicaux. On doit comprendre qu’une pareille tâche ne lui laissait plus de loisir pour les lettres.
A côté des causes de faiblesse qui viennent d’être indiquées, le parti tory avait des élémens de succès qu’un chef habile ne pouvait manquer de mettre à profit. Bien qu’en minorité, ce parti n’en constituait pas moins la fraction de beaucoup la plus nombreuse de la chambre des communes : il lui suffisait d’un appoint assez faible pour devenir la majorité. Cet appoint, il ne devait pas désespérer de l’obtenir de quelques-uns de ses adversaires eux-mêmes, car il n’avait pas en face de lui moins de cinq fractions distinctes : les anciens conservateurs, ralliés au libre-échange et soumis à l’influence personnelle de lord Palmerston ; les whigs, conduits par lord John Russell ; les libéraux de l’école de Manchester, qui subordonnaient tout aux questions économiques ; la brigade irlandaise, qui ne tenait compte que des intérêts irlandais ; enfin le petit groupe des anciens collègues et des amis personnels de sir Robert Peel, qu’on désignait sous le nom de peelites. Ces cinq fractions n’étaient d’accord que sur un seul point : la nécessité de maintenir la libre importation des céréales ; elles étaient divisées sur toutes les autres questions, soit par la divergence des vues, soit par la rivalité sans cesse renaissante de leurs chefs ; si un concert pouvait s’établir entre elles quand elles étaient dans l’opposition, la désunion reparaissait dès le lendemain de la victoire. Le parti tory pouvait avoir aisément sur ses adversaires tous les avantages que donnent l’unité de vues, la bonne harmonie et la discipline. Ce fut à lui assurer ces avantages que M. Disraeli s’attacha, en s’efforçant de faire disparaître tous les dissentimens et d’amener graduellement ceux de ses amis qui s’obstinaient dans des idées définitivement vaincues à prendre leur parti de cette défaite.
Il fut servi par les circonstances. Lorsque les élections générales avaient eu lieu en 1847, une succession de mauvaises récoltes sur le continent avait maintenu les céréales à un prix élevé, et les droits à l’importation, bien que réduits, devaient subsister encore pendant une certaine période. On n’avait donc pu apprécier dans toute leur étendue les effets de la nouvelle législation. La disparition définitive des droits protecteurs ayant coïncidé avec un avilissement sensible des prix en Europe, et avec une importation considérable, une crise se déclara en Angleterre, et les souffrances de l’agriculture réagirent par contre-coup sur certaines industries. Ce fut alors au tour des populations agricoles de s’agiter, de multiplier les réunions publiques et d’accabler la chambre des communes de pétitions. En même temps, les désordres et les scènes sanglantes qui (avaient accompagné et suivi dans une partie de l’Europe la révolution de 1848 avaient éveillé les inquiétudes de tous les esprits