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tardèrent pas à se succéder rapidement, semblèrent justifier cette manière de voir de M. Disraeli ; Lord Palmerston et lord John Russell s’entendirent pour faire tomber lord Aberdeen, puis ils s’exclurent l’un l’autre du pouvoir. Sans abdiquer le droit de discuter et de critiquer les mesures ministérielles, les conservateurs gardèrent une grande réserve pendant la guerre de Crimée et pendant les négociations qui suivirent : les traditions patriotiques du parlement, trop peu suivies ailleurs, interdisent aux partis de susciter des embarras au gouvernement et de faire naître des crises, tant que le pays est aux prises avec l’étranger.

La conclusion définitive de la paix donna le signal du renouvellement des luttes parlementaires. La session de 1856 fut close le 28 juillet. Quelques jours avant qu’elle prît fin, M. Disraeli eut soin d’expliquer l’attitude et de faire connaître le programme de son parti. Après avoir fait ressortir le petit nombre et l’insignifiance des mesures dont le parlement avait eu à s’occuper, il attribua la stérilité de la session à l’impuissance d’un cabinet composé de conservateurs qui avaient déserté leur parti, et de libéraux qui oubliaient, au pouvoir, les engagemens qu’ils avaient pris dans l’opposition. Les conservateurs avaient donc la double satisfaction de voir leur politique prévaloir dans les conseils du gouvernement, et d’assister aux palinodies et à la déconsidération graduelle de leurs adversaires. Le jour où la nation serait lasse d’un gouvernement dont les promesses et les actes étaient une perpétuelle contradiction, elle trouverait un parti conservateur fidèle à ses traditions et à ses maximes, et prêt à pratiquer une politique conservatrice.

C’était une déclaration de guerre, et dès le début de la session suivante, M. Disraeli attaqua avec vivacité la politique extérieure du cabinet qui avait suscité à l’Angleterre une guerre avec la Chine et une autre guerre avec la Perse, et qui ne cessait de fomenter des troubles en Italie. Il critiqua également sa politique financière, qui avait pour base la continuation indéfinie de l’income tax, dont la suppression, si souvent promise, était rendue impossible par des expériences aventureuses. Les changemens ministériels qui s’étaient si rapidement succédé avaient fait sortir du cabinet la plupart des coalisés de 1852, et tous les ministres démissionnaires nourrissaient un vif ressentiment contre lord Palmerston, qu’ils accusaient de les avoir joués. L’attitude nouvelle du parti conservateur leur parut une occasion favorable de prendre une revanche. Ils s’entendirent avec les libéraux, et M. Cobden fit de la conduite des agens anglais en Chine et du bombardement de Canton l’objet d’une motion de censure qui fut soutenue d’une part par MM. Bright et Milner Gibson, et de l’autre par M. Gladstone, M. Cardwell, M. Sydney