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et les confusions dont l’opinion s’est émue. Il peut avec de la résolution retrouver une force nouvelle, il sera suivi ; mais il est évident qu’au point où en sont les choses, les palliatifs ne suffisent plus, qu’il faut savoir nettement ce qu’on veut, qu’on ne pourrait se flatter par exemple de contenir les passions révolutionnaires sur la question de l’amnistie plénière en livrant à ces mêmes passions, par des articles 7, la liberté de l’enseignement et l’inviolabilité des croyances. Si on a espéré un moment jouer ce jeu de conquérir dans le sénat l’article 7 en combattant l’amnistie, on s’est très vraisemblablement trompé ; ce sont là des propositions que les dernières agitations ont faites inséparables, qui ont un rôle presque égal dans les troubles d’aujourd’hui, et sur tous ces points le moment est venu de prendre un parti, de se ressaisir en quelque sorte, de dégager sans hésitation notre politique de tout ce qui a pu la compromettre. Il ne s’agit nullement d’entrer dans une voie de réaction ; il s’agit de se replacer sur le terrain d’une constitution modérée, d’une république libérale et sérieuse, de montrer que cette république peut être la fidèle exécutrice de toutes les lois, la gardienne de la paix intérieure aussi bien que des intérêts extérieurs de la France. Il s’agit avant tout de s’éclairer de l’expérience, d’éviter des aventures où la république serait la première à périr. C’est pour aider au succès de cette politique que s’est récemment fondé un nouveau journal, le Parlement, qui n’a que quelques jours d’existence. Il ne sera ni le premier, ni le seul à soutenir cette cause ; il sera une force nouvelle dans la lutte. Par les appuis qu’il compte dans les chambres, par les idées de sérieux libéralisme qu’il représente, il est fait pour parler à l’opinion et il naît évidemment à l’heure favorable. Il sera un soldat de plus dans une armée qui, pour toute conquête, ne se propose que de défendre la paix et la liberté légale de la France contre tous les excès.

Déjà, avec la saison d’hiver, le moment arrive où la politique va se ranimer un peu partout en Europe, comme elle se ranime en France. Le nouveau Reichsrath s’est réuni, il y a quelques jours, à Vienne, et le ministère qui s’est formé sous la présidence du comte Taaffe s’est trouvé aussitôt en face d’une situation parlementaire assez compliquée, ayant tout à la fois une majorité de libéraux, de centralistes allemands dans la chambre des seigneurs, et une majorité de conservateurs, de fédéralistes, dans la seconde chambre. C’est une phase nouvelle qui commence pour la Cisleithanie, tandis que le baron Haymerlé a pris décidément la direction des affaires étrangères de l’empire à la place du comte Andrassy, et que le ministère hongrois, présidé par M. Tisza, reste au pouvoir. On verra bientôt ce que produiront ces évolutions, qui peuvent certes n’être point sans conséquences dans le développement constitutionnel de l’Autriche. Le nouveau landtag récemment élu en Prusse vient d’être aussi ouvert à Berlin par un discours impérial à peu près exclusivement consacré aux affaires intérieures, et les premières