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Chypre, qu’il a complaisamment assimilée à l’occupation de Gibraltar et de Malte, de la résistance victorieuse opposée à la marche de la Russie sur Constantinople et la mer Egée, et l’alliance austro-allemande est venue à propos ajouter un trait de plus à ce tableau.

C’est là sans doute le beau côté de la politique ministérielle, et lord Salisbury a pu facilement triompher en remuant la fibre du patriotisme anglais. Il n’est pas moins certain que cette brillante médaille a son revers, que ces succès extérieurs, où l’imagination a sa part, sont peut-être plus apparens que réels, et que les affaires intérieures restent la partie faible du gouvernement tory qui offre ainsi plus d’une prise à ses adversaires. Lord Salisbury n’a pas tardé à recevoir dans cette même ville de Manchester, une réponse des chefs du parti libéral, lord Hartington d’abord, puis M. John Bright, qui l’un et l’autre, à des points de vue différens, ont repris le procès contre la politique « impériale » de lord Beaconsfield. Le ministère a un avantage contre ses adversaires, c’est que le parti libéral, dans son dernier passage au pouvoir sous M. Gladstone, s’était montré réellement par trop insuffisant et avait laissé décliner l’influence de l’Angleterre. Les critiques d’aujourd’hui sont affaiblies par les actions d’autrefois, et les fautes du cabinet sont palliées par des actes qui ont flatté l’orgueil britannique. Le ministère se présente avec quelques résultats évidens, quoique peut-être exagérés ; l’opposition libérale, acerbe dans ses critiques, est bien embarrassée quand elle doit dire ce qu’elle aurait fait à la place du gouvernement. Entre les deux partis, que décidera l’opinion ? La question, tranchée plus d’une fois devant le parlement par la victoire du ministère, va être bientôt portée devant le pays tout entier, et rien n’indique jusqu’ici que l’Angleterre soit disposée à désavouer une politique qui, somme toute, l’a replacée assez haut dans les conseils de l’Europe.

Pour toutes les nations, la vie publique n’est qu’un perpétuel mélange d’événemens favorables et d’accidens douloureux ou de laborieuses épreuves. L’Espagne en fait aujourd’hui l’expérience. Le second mariage du jeune roi Alphonse XII est pour le moment la diversion heureuse au milieu de bien des préoccupations, les unes accidentelles et imprévues, causées par un fléau qui vient de désoler toute une province, les autres motivées par des questions de politique qui touchent à la situation tout entière, qui intéressent peut-être la paix intérieure et extérieure du pays. L’agréable roman qui a commencé il y a quelques semaines dans une station française, à Arcachon, par l’entrevue du souverain espagnol et d’une princesse autrichienne, ce roman va se dénouer décidément comme les contes de fées. On n’en est plus aux mystérieux préliminaires du mariage. Un ambassadeur extraordinaire, le duc de Bailen, a été envoyé à Vienne, et il a déjà officiellement demandé à l’empereur François-Joseph la main de l’archiduchesse Marie-Christine. Tout est arrêté et convenu. Dans un mois, la princesse qui va