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gouvernement, quand il s’est déclaré profondément républicain et profondément conservateur ? Non, assurément. Il fallait dire, en outre, comment il entendait accorder sa politique républicaine avec sa politique conservatrice. Il aura trouvé sans doute que c’était aborder un point délicat sur lequel il risquait de n’être pas d’accord avec tous ses amis. Il a cru habile de réserver ces explications nécessaires pour un moment plus opportun, et il est arrivé qu’il a perdu le pouvoir avant d’avoir eu le temps de s’expliquer. Comme M. Dufaure, il s’est laissé prévenir par l’impatiente initiative de ses adversaires et de ses amis. Voilà comment, par une politique de temporisation et d’atermoiement, qui ne peut avoir sa raison d’être que dans une impérieuse nécessité, on laisse les questions se poser, les difficultés s’aggraver, les engagemens se prendre dans les groupes parlementaires, surtout les passions s’exalter, et qu’on envient, par exemple, après une discussion où l’on a eu pour soi le bon sens, la raison politique et le talent, à subir, sous le coup d’un discours encore plus retentissant qu’éloquent, un ordre du jour dont les conséquences ont été d’une extrême gravité. Quand la politique de modération et de paix rentrera au gouvernement avec M. Jules Simon, il n’oubliera pas que, si un ministre a besoin de beaucoup d’amis qui le secondent dans sa tâche, il faut qu’il se résigne à compter quelques adversaires. Ce jour-là, qui n’est pas demain, nous sommes sûr qu’il apportera à la tribune un vrai programme de gouvernement.

Ce que ni M. Dufaure, ni M. Jules Simon n’ont cru pouvoir faire, il ne fallait pas l’attendre des honnêtes ministres qui ont accepté le pouvoir dans des circonstances où ils ne pouvaient l’exercer librement. M. Waddington est assurément un esprit sensé et modéré, de tempérament conservateur, aussi révolté que qui que ce soit des horreurs de la commune, aussi pénétré de respect et de sympathie pour toute croyance religieuse, aussi ennemi des réactions politiques qui troublent et désorganisent nos administrations publiques, aussi convaincu de la nécessité d’une police vigilante, en un mot, un homme du centre gauche, s’il en fut. Pourquoi donc a-t-il accepté l’amnistie des gens de la commune, quand les grâces suffisaient à la justice et à l’humanité ? Pourquoi a-t-il accepté une enquête sur les agens de la préfecture de police, qui ne pouvait que décourager ses agens fidèles, en provoquant de basses dénonciations, et devait aboutir à la démission d’un ministre abandonné de ses collègues ? Pourquoi a-t-il accepté un système d’épuration qui tend à faire prévaloir les opinions sur les services et la capacité dans le choix des fonctionnaires, et souffert cette espèce de dissolution d’un conseil d’état que M. Dufaure avait couvert de son autorité contre d’incessantes entreprises, et qu’un honnête et loyal garde