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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/266

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l’enseignement et l’éducation de la jeunesse qui leur sera confiée, les esprits politiques se demandent si c’était bien la peine d’alarmer les consciences et de troubler le pays pour ce beau résultat. Il n’est même pas impossible qu’un directeur, homme d’esprit, ne se donne le plaisir de présenter à l’inspecteur de l’Université chargé de faire exécuter la loi quelques-uns de ses anciens collègues qui auront émigré dans les écoles libres pour y enseigner toutes ces vieilleries classiques que nos réformateurs veulent supprimer. La petite satisfaction de faire déménager quelques bons pères, ou quelques pauvres frères, jésuites, dominicains, maristes, etc. : voilà ce qu’on gagne à n’écouter que la passion de secte, ou la mauvaise humeur de parti, dans la conduite des affaires du pays. Quant à la popularité qu’on peut en recueillir, est-on bien sûr que c’est le pays et non un parti qui acclame l’article 7 ?

Ce qui serait plus sérieux dans le succès de cette inique et inutile loi, c’est que d’abord elle affligera tous les vrais amis de la liberté, et tôt ou tard provoquera dans le parti républicain une de ces scissions bien autrement graves que celle qu’on redoute, dans le cas où l’article 7 ne passerait point au sénat. Si ce grand parti perd les sympathies des libéraux et des conservateurs qu’il compte dans ses rangs, est-il bien sûr de conserver longtemps la confiance du pays, surtout avec la direction que la prépondérance des fractions radicales ne peut manquer d’imprimer à sa politique ? Et, en dehors du parti républicain, la république n’a-t-elle pas à compter avec tout un monde où elle n’avait pas jusqu’ici d’adversaires, si elle n’y trouvait pas des amis bien chauds, avec le clergé qui a pris tout entier fait et cause pour les ordres suspects, avec les catholiques croyans et pratiquans qui suivent leurs prêtres dans la résistance, avec cette classe très nombreuse de catholiques de tradition et d’habitude, qui, sans trop savoir au fond ce qu’elle croit, n’aime pas qu’on ravive des querelles religieuses en pleine liberté moderne, comme l’a si bien expliqué un libre penseur qui est aussi un sage politique ?

Si l’article 7 est rejeté, il y aura sans doute une menace de conflit tout d’abord, une menace plutôt qu’une réalité. Après un premier moment d’irritation, la chambre des députés se calmera en réfléchissant. Elle regardera, si elle ne l’a déjà fait, un peu plus du côté du pays, qui s’empresse moins qu’on ne dit de répéter le mot d’ordre donné. Elle comptera les conseils généraux favorables ou contraires à la loi Ferry, en tenant compte de la réserve significative de ceux qui se sont abstenus, malgré les encouragemens officiels. Elle comptera aussi le chiffre des pétitions contre cet article 7, moins populaire qu’on ne prétend. Elle se dira qu’en fin de compte, elle aura eu gain de cause sur tout le reste, le sénat ayant voté toute