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la loi Ferry, sauf l’article 7. Nous ne serions donc pas surpris qu’après avoir mûrement réfléchi, la majorité républicaine, son chef en tête, ne finît par comprendre que ce malheureux article manquait réellement d’opportunité et donnait aux passions anticléricales une satisfaction qui pourrait coûter cher à la république. Le grand opportuniste de notre temps, M. de Bismarck, n’est-il pas en train de faire en ce moment sa paix avec le saint-siège ?

Voilà ce que fera sans doute le parti républicain, s’il se garde de cette sorte d’infatuation que donne le succès. Les partis, il est vrai, ne s’en défendent pas mieux que les princes : mais l’histoire nous apprend que les uns et les autres la paient souvent fort cher. Cet heureux échec serait un avertissement dont le pays ne saura pas aussi mauvais gré au sénat qu’on veut bien le dire. Il arrêtera toute une campagne que le gouvernement du président de la république n’a pas dû voir commencer sans inquiétude, et qui, sous le nom des jésuites, est dirigée contre l’enseignement religieux tout entier. Quoi qu’il advienne de l’article 7, il est certain que la question religieuse sera prochainement l’objet d’un grand débat. La question politique sera également soulevée à propos de l’amnistie plénière. Ces deux questions en amèneront bien d’autres, et la bataille s’engagera sur toute la ligne. Alors le moment sera venu pour les partis et pour le ministère lui-même de s’expliquer et de formuler un programme. Nous rentrons ainsi dans les conditions du vrai gouvernement parlementaire. Que deviendra le cabinet actuel au milieu de ces graves discussions ? Il n’est pas sûr d’y survivre. Ce qui importe le plus, c’est un débat solennel sur toute la politique intérieure du pays. Que le cabinet Waddington en sorte vainqueur ou vaincu, que le nouveau cabinet soit conservateur ou radical, libéral ou jacobin, cela n’est sans doute point indifférent pour l’intérêt du pays. L’essentiel est que le cabinet, quel qu’il soit, sorte tout entier du grand débat parlementaire avec un programme bien défini, avec une entière liberté d’action, avec un chef qui le dirige réellement, sans engagement pris d’avance, sans patronage embarrassant.

Il y aurait bien un moyen de sauver un ministère qui n’a guère vécu jusqu’ici que de transactions : ce serait de transiger encore sur l’amnistie et l’article 7, comme le conseille la politique d’expédients. « N’insistez pas sur l’amnistie plénière, dirait-on à la majorité de la chambre des députés, et nous enlèverons l’article 7 au sénat ; ne nous refusez pas cet article, dirait-on au sénat, et nous obtiendrons de la majorité de la seconde chambre qu’elle renonce à l’amnistie plénière. » Nous ne croyons pas au succès de cette combinaison, et, à vrai dire, nous doutons beaucoup que le chef de la majorité de la seconde chambre se soit prêté à