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politique du bon sens et du patriotisme ne finissait par prévaloir sur la politique des rancunes et des passions de parti.

Ici le lecteur nous permettra d’ouvrir une parenthèse. Dans cette lutte plus ou moins prochaine entre deux politiques que nous avons dû qualifier comme chacun le fait dans le monde parlementaire, nous ne voudrions point qu’on pût se méprendre sur nos idées et nos doctrines. Nous n’aimons pas ces mots vagues qu’on se jette à la tête à propos des discussions philosophiques ou politiques, et qui ont toujours besoin d’explication. Une politique n’est point jugée quand on a dit qu’elle est radicale ou conservatrice, pas plus qu’une philosophie, si on la qualifie de spiritualiste ou de panthéiste. Une politique radicale ne nous répugnerait point, pourvu qu’elle fût sensée, libérale, opportune, et que la pratique en fût possible. Si nos radicaux restaient libéraux, nous pourrions nous entendre avec eux sur quelques points, car nous ne cachons pas que nous avons avec eux certaines idées communes. Ainsi, sur la question religieuse, nous tenons encore moins qu’eux au concordat. Ce n’est peut-être pas une réforme qu’il soit opportun d’aborder brusquement ; mais nous ne sommes pas éloigné de croire qu’un jour, vu la difficulté toujours croissante des rapports de l’église et de l’état, les deux parties contractantes s’entendront pour une séparation à l’amiable. C’était le rêve de Lamennais, de Lacordaire et de Montalembert. Seulement, nous regarderions comme une criante injustice de ne pas assurer à ce clergé, dont la révolution a confisqué les biens, une indemnité préalable fixée au chiffre nécessaire à ses besoins. Voilà le radicalisme libéral. Il est des radicaux qui entendent supprimer le concordat et le budget des cultes sans aucune indemnité pour le clergé. C’est le radicalisme jacobin. A vrai dire, le pur jacobin ne veut à aucun prix de l’indépendance de l’église ; avec ou sans concordat, il ne lui permet de vivre que sous la domination de l’état. Nous sommes encore de ceux qui pensent que la liberté de conscience veut que l’enseignement de l’état et de la commune soit laïque à tous les degrés, en ce sens que l’enseignement religieux proprement dit, le catéchisme, ne soit imposé, dans l’école, à aucune famille qui n’en veut pas pour ses enfans. Cet enseignement se donnerait à l’église, à l’école même, si les parens le désirent ; mais il serait donné par le prêtre ou le ministre, et non par l’instituteur, ainsi que cela se fait aux États-Unis. Il y a des radicaux qui veulent encore autre chose : c’est que nul prêtre, nul congréganiste ne puisse enseigner, à cause de sa robe, remplît-il toutes les conditions exigées par la loi. C’est ainsi qu’ils privent d’honnêtes gens de leur droit de citoyens, pour mieux assurer la liberté de penser. Voilà encore la différence du radicalisme libéral et du radicalisme jacobin.