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plient. Qu’on se prononce contre l’article 7, contre les persécutions religieuses, contre l’excès des épurations administratives, contre les mesures qui menaceraient l’inamovibilité de la magistrature, on ne compte plus, on est exclu, Que cette politique domine absolument, non sans doute ; elle règne assez pour imprimer son caractère à quelques-uns des principaux actes d’aujourd’hui, pour peser sur le gouvernement, et après cette expérience qui se poursuit depuis quelques mois, que reste-t-il prouvé ? C’est que la république ne peut vivre ni d’agitations ni d’exclusions, et que précisément depuis qu’on prétend se passer des opinions modérées, on n’est arrivé qu’à créer une situation aussi confuse que précaire. C’est le procès qui se plaide chaque jour dans toutes les polémiques, qui sera porté prochainement devant les chambres, et, qu’on ne s’y trompe pas, c’est de la politique qui prévaudra que peut dépendre l’avenir de la république en France.

Les affaires de l’Europe, sous d’autres formes, avec d’autres caractères, avec toutes les complications de nationalités et d’intérêts multiples, ressemblent un peu aux affaires de la France. Elles ne deviennent avec les jours et les semaines qui passent, ni plus claires ni plus faciles ; elles restent au contraire, à dire la vérité, passablement obscures et laborieuses. Tout est paisible et régulier à la surface sans doute. Il n’y a pour le moment ni guerres allumées ni motifs plausibles de conflits prochains. Qui peut dire cependant que cette paix dont on parle toujours, à laquelle tout le monde prétend s’intéresser et travailler, qui à coup sûr répond à un instinct profond des peuples, est bien solidement établie et sera durable ? Qui n’est frappé de ce qu’il y a de précaire dans les conditions de la vie contemporaine, de ces incohérences et de ces troubles étranges qu’une série d’événemens violens ont laissés dans l’équilibre universel, dans les relations des plus puissans gouvernemens ? Qui en définitive peut se flatter de voir clair dans tous ces mystères de diplomatie que les grands politiques se plaisent à nous proposer de temps à autre, dans tous ces incidens qui se succèdent, qui se rattachent tantôt aux affaires d’Orient, à l’exécution du traité de Berlin, tantôt à la situation générale de l’Occident ?

Lorsqu’il y a deux mois, M. de Bismarck, après avoir été le promoteur de l’alliance des trois empereurs, est allé à Vienne chercher une autre alliance, une alliance plus particulière, la première impression a été nécessairement que le chancelier d’Allemagne avait un but, qu’il n’opérait pas sans une intention déterminée cette brusque volte-face diplomatique. Qu’en a-t-il été réellement ? On ne voit pas bien encore ce que M. de Bismarck a voulu positivement, ce qu’il a fait, à quelle nécessité ou à quel mobile il a obéi, quels sont les résultats possibles et les limites de cette évolution, demeurée jusqu’ici une énigme. Lorsque plus récemment l’Angleterre a menacé la Turquie de démonstrations presque belliqueuses en mettant en action ses forces navales à l’appui