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accueillit dont froidement et avec hauteur les propositions de notre envoyé. Cependant, on pouvait prévoir qu’après la victoire de Bautzen il serait plus ! disposé à négocier ; ce fut le cas, en effet : suivant son système habituel, il se mit en rapport direct avec les deux souverains alliés.

L’aide de camp Flahault avait été envoyé sur les lieux en qualité de commissaire de démarcation ; Napoléon pouvait compter sur le dévoûment absolu de cet nagent. Il s’était flatté de pouvoir agir directement sur le tzar, aussi bien par le choix du négociateur (Caulaincourt) que par l’influence personnelle qu’il croyait toujours avoir sur l’esprit de ce prince. Il se trompait. Le seul résultat de ces tentatives fut de prouver aux souverains que Napoléon voulait encore une fois raffermir par des négociations illusoires sa position ébranlée, et qu’il n’avait d’autre but que d’empêcher la quadruple alliance de se former, et de gagner le temps nécessaire pour combler les vides qu’avaient faits dans son armée les marches forcées et les batailles de Ltitzen et de Bautzen. L’empereur Alexandre et le roi Frédéric-Guillaume firent part à l’empereur François de la ferme résolution qu’ils avaient prise de ne pas consentir à une négociation ; en même temps, ils assuraient sa majesté de leur pleine confiance dans sa loyauté et dans ses principes éclairés.

Le 3 juin, nous arrivâmes à Gitschin. J’instruisis aussitôt le duc de Bassano de l’arrivée de l’empereur à son quartier-général. En même temps, je lui demandai une entrevue pour l’informer que sa majesté était fermement résolue à appuyer comme il convenait ses offres de médiation. J’étais convaincu que la réponse du ministre français serait évasive : je ne me trompais pas. Le refus déguisé de Bassano me fournit un prétexte tout trouvé pour tâcher de voir l’empereur Alexandre ; en effet, le jour même où j’avais reçu la réponse du ministre français, je demandai une entrevue au tzar. Opocno fut désigné comme le lieu du rendez-vous ; j’avais choisi cet endroit à cause de sa proximité de la frontière et de son isolement. Pour n’avoir pas à s’y rendre avec moi, l’empereur François prétexta des affaires qu’il avait à Gitschin. Le 16 juin, je partis de ce château, et le lendemain j’arrivai à Opocno, où je trouvai le tzar, qui m’avait précédé de quelques heures. La grande-duchesse Catherine ! , sœur de l’empereur Alexandre, qui séjournait alors à Prague, était venue également. Dans la suite du tzar se trouvait le comte de Nesselrode avec quelques aides de camp. Le comte de Stadion et M. de Lebzeltern s’étaient aussi rendus à Opocno, à la suite des ordres qu’ils avaient reçus.

J’allai trouver immédiatement l’empereur Alexandre. L’entretien que j’avais eu préalablement avec le comte de Nesselrode à Czaslau m’avait à peu près édifié sur les dispositions de ce prince en ce