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je fus continuellement en rapport avec l’empereur des Français, le duc de Bassano, les maréchaux et les généraux. Dans nos conversations, Napoléon évitait de nouvelles discussions sur l’objet qui m’amenait ; il me renvoyait au duc de Bassano, qui, de son côté, disait n’avoir pas d’instructions et m’engageait à prendre patience, tandis que j’entendais les chefs de l’armée exprimer leurs inquiétudes toujours plus vives et se prononcer de plus en plus pour la paix.

Le soir du dernier jour de mon séjour à Dresde, je reçus du ministre des affaires étrangères un projet d’arrangement écrit, qui n’avait rien de commun avec ma demande ; aussi je me hâtai d’y répondre en avertissant le ministre que je partirais incessamment de Dresde. Je fixai mon départ au lendemain matin sept heures, et je commandai des chevaux de poste. Quelques minutes avant l’heure que j’avais fixée, le duc de Bassano m’envoya un billet dans lequel il me disait simplement que l’empereur désirait me parler avant mon départ, et qu’il me recevrait à huit heures en costume de voyage.

Ma voiture était prête ; je la fis dételer, et j’envoyai prévenir la poste que je fixerais plus tard le moment où je partirais. A l’heure dite, je me rendis au jardin Marcolini, où je trouvai Napoléon se promenant. Là nous eûmes ensemble une conversation qu’il est difficile de reproduire. Les premiers mots que me dit Napoléon furent ceux-ci : « Eh bien, vous faites semblant d’être fâché ? pourquoi donc ? » Je répondis brièvement que mon devoir me défendait de perdre mon temps à Dresde.

Ensuite Napoléon se mit à parler du projet d’arrangement que son ministre m’avait envoyé, et finit par déclarer qu’il n’en voulait pas. « Peut-être, ajouta-t-il, nous entendrons-nous mieux à nous deux ; venez dans mon cabinet, nous allons tâcher de nous arranger. »

Quand nous fûmes dans son cabinet, il me demanda si j’avais quelque objection à faire contre la présence de M. de Bassano. Toute négociation, disait-il, demande un secrétaire ; il voulait confier ce rôle à un ministre. Il sonna et fit appeler M. de Bassano, qui parut immédiatement.

Nous nous assîmes près d’une petite table, sur laquelle le ministre apporta ce qu’il fallait pour écrire. Napoléon me dit alors : « Formulez les articles comme vous l’entendrez. » Je résumai mes demandes, en peu de mots ; voici ce que je proposais : 1° l’empereur des Français accepte la médiation armée de l’empereur d’Autriche ; 2° les plénipotentiaires des puissances belligérantes se rendront le 10 juillet à Prague pour conférer avec le plénipotentiaire de la cour médiatrice ; 3° le 10 août est fixé comme dernier terme des négociations ; 4° jusqu’audit jour, toutes les opérations militaires seront suspendues, — Lorsque j’eus présenté mes demandes,