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John se fâchent. Le 7 juillet, à la nouvelle de l’armistice, le fougueux chef du Foreign Office écrit à la reine : « Si l’empereur ne donne pas à l’Italie son indépendance, il sera flétri comme traître au peuple italien. » Le 13 juillet, en apprenant la signature des préliminaires de Villafranca, lord Palmerston prend la plume à son tour, et, plus imprudent encore que son collègue des affaires étrangères, il épanche sa mauvaise humeur dans le sein de M. de Persigny, redevenu depuis quelques mois ambassadeur de France à Londres : « En entrant dans la confédération italienne, lui dit-il, l’Autriche acquiert une situation plus forte que celle qu’elle vient de perdre. Il faudrait au contraire qu’elle fût exclue de toute ingérence politique et militaire en dehors de ses frontières. Sinon rien n’est fait et tout sera bientôt à recommencer. »

Bien que ce fût une lettre privée, n’engageant pas l’opinion du cabinet, la démarche du premier ministre était singulièrement inconsidérée. La reine le lui fit sentir dans une lettre fort sèche, où il faut noter les lignes suivantes : « Nous n’avons pas protesté contre la guerre, et personnellement lord Palmerston a souhaité le succès de la France. Nous ne pouvons pas maintenant protester contre la paix, et la reine ne doute pas que lord Palmerston ne comprenne combien il serait fâcheux que le premier ministre de la couronne d’Angleterre semblât se donner pour but de persécuter l’Autriche. La reine est moins désappointée que ne paraît l’être lord Palmerston, car elle ne s’est jamais flattée de l’espoir que le coup d’état et l’empire auraient pour conséquence l’établissement de nationalités indépendantes et la diffusion du régime constitutionnel et de la liberté. » Les derniers mots, qui durent être fort désagréables à lord Palmerston, contenaient une allusion très claire à la conduite qu’il avait tenue en 1851 lorsqu’il approuva le coup d’état sans consulter ses collègues et sans demander au préalable l’assentiment de la couronne, ce qui le força de quitter le ministère.

Si l’empereur n’avait pas obtenu la médiation de l’Angleterre au moment de la signature des préliminaires de paix, il espérait du moins l’appui de son ancienne alliée pour la réunion d’un congrès qui lui permettrait de sortir honorablement des difficultés que lui créaient les stipulations de Villafranca. Lord Palmerston et lord John Russell se lancent avec ardeur sur cette nouvelle piste. C’est encore la reine qui les arrête : « L’empereur, écrit-elle au chef du Foreign Office, traite l’Autriche comme il a traité la Russie à la suite du siège de Sébastopol. Et après s’être donné le rôle d’un vainqueur généreux, il viendrait nous laisser, à nous, celui de persécuteurs de l’Autriche ! Il faut nous féliciter doublement de n’être pas tombés dans le piège qu’il nous tendait en nous chargeant de demander