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la poésie enfantine ou populaire de tous les pays ? On ne peut en douter, les enfans de toute race sont bercés par les mêmes récits merveilleux, et, ce qui nous paraît encore plus singulier, ils sont amusés par les mêmes fariboles. Nous citions ici même une filastrocca de Pomigliano, la rengaine de Micco. La Novellaja fiorentina nous en donne plusieurs à peu près pareilles ; un lecteur anonyme nous a communiqué une chanson populaire, Bricon et Briquette, qui divertit par les mêmes répétitions les bambins de la douce France ; enfin la légende de Tennisje (Petit Antoine), qu’a bien voulu nous envoyer une lectrice de Harlem, nous prouve que Micco a des frères jusque dans les Pays-Bas.

Mais c’est assez nous attarder aux bagatelles de la porte ; arrivons aux vrais contes et commençons par les milanais.


I. — LES CONTES MILANAIS.

Les plus curieux de ces contes sont de simples anecdotes, les autres ne nous offrent que des variantes émondées, souvent effeuillées et défleuries, des contes florentins. Les bonnes femmes de Milan vont droit au fait et n’aiment pas les fioritures ; elles ont à leur service un dialecte tronqué qui ne manque pas d’entrain et d’énergie, mais qui n’a pas la grâce et la douceur des dialectes méridionaux. Elles ne semblent pas non plus s’inquiéter beaucoup du but moral, Voici l’une des histoires qu’elles racontent aux enfans.

Il y avait une fois un fils, et il avait son papa et sa maman qui lui donnaient des coups et qui voulaient le chasser de la maison. Alors ce fils se met à pleurer. Son père lui dit : — Tais-toi et va chercher de l’huile et du vinaigre. — Et il lui a donné de petits pots et de l’argent. Le fils s’en va, et quand il est à mi-chemin, il laisse tomber ses pots, qui se cassent. Alors il dit : — Pauvre moi, comment vais-je faire pour rapporter à la maison le vinaigre et l’huile ? — Serviteur (ciao), il va toujours. Il va chez le marchand et lui dit : — Donnez-moi de l’huile et du vinaigre. — Où dois-je les mettre, mon cher fils, tu n’as pas d’huilier ? — Mettez-moi l’huile ici dans mon chapeau. — Et le vinaigre, où dois-je le mettre ? — Alors l’enfant retourne son chapeau, laisse tomber toute l’huile et dit : — Le vinaigre, vous le mettrez sur le chapeau. — Serviteur ! Il paie et puis s’en va dans la maison de son papa, qui lui dit : — Où as-tu mis l’huile et le vinaigre, coquin de coquin ! — Le fils montre son chapeau et répond : — De ce côté-ci est le vinaigre, et, retournant son chapeau, de ce côté-ci l’huile ! — Son papa le roue de coups et le jette dehors. Et lui se met à pleurer en disant : — Où est-ce que je vais aller ? — Tout à coup il lui vient à l’esprit qu’il