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de ne voir que l’œuvre de l’hérésie dans les émotions et les luttes d’un siècle entier.

L’histoire de nos luttes religieuses peut se diviser en deux grandes périodes de guerres civiles, dont chacune fut terminée par une pacification ; car il n’y eut que deux pacifications véritables, et le noble mot de paix s’attache mal à tant d’instrumens qui furent signés par des partis fatigués et qui ne marquèrent en réalité que des trêves. La première pacification fut celle d’Henri IV, qui ferma l’ère des guerres du XVIe siècle : ce fut la pacification par la justice. La seconde fois, la pacification fut imposée par Richelieu ; celle-ci fut définitive, ce fut la pacification par la force, l’écrasement définitif du protestantisme ; le vainqueur n’anéantit pas tout à fait son adversaire, mais il le laissa si affaibli que toute résistance armée lui devint désormais impossible.

Nous ne reprocherons pas à M. de Meaux, qui vient de publier les Luttes religieuses en France au XVIe siècle, de n’avoir traité que la première partie d’un si vaste sujet et de s’être arrêté à la pacification d’Henri IV ; son titre même l’y autorisait, l’y obligeait. Mais il nous semble qu’il est difficile de bien comprendre le grand drame de la réforme française si l’on n’en étudie les derniers actes aussi bien que les premiers. Si la pacification d’Henri IV, celle que j’ai appelée la pacification par la justice, avait été définitive, si la tolérance avait pu entrer dans les mœurs de la nation dès le commencement du XVIIe siècle, nous serions tenté d’être plus sévère pour ceux qui tant de fois, pendant le siècle précédent, eurent recours à la guerre civile ; certains événemens s’éclairent par ce qui les suit autant que par ce qui les a précédés. L’histoire des années qui suivirent le règne d’Henri IV démontre abondamment que la tolérance imposée pendant quelques années par la puissance royale était précaire et hasardeuse ; la force n’avait pas encore accompli toute son œuvre, et la force devait avoir plus de part que la justice et que la foi dans la solution définitive des grandes questions soulevées par la réforme. On niera peut-être que la seconde pacification, celle de la persécution et de la force, contînt en germe la révocation de l’édit de Nantes ; mais on ne pourra guère nier que cette révocation excuse ceux qui, pendant le cours de nos terribles guerres civiles, n’avaient jamais compté que sur Dieu et sur leur épée.

Même en écartant les luttes religieuses qui remplirent le commencement du XVIIe siècle, le sujet est encore si vaste qu’on peut s’étonner de voir un écrivain entreprendre de raconter une histoire si confuse, si tourmentée, si féconde en péripéties. Ce qui nous a touché particulièrement dans l’ouvrage de M. de Meaux, c’est un effort extraordinaire vers la justice et l’impartialité, effort d’autant plus méritoire que l’écrivain est un catholique fervent, je dirais