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préserve de certaines erreurs. Non ; le crime de la Saint-Barthélémy ne fut pas le résultat d’un complot longuement ourdi entre les cours de France, d’Espagne et de Rome ; mais Catherine de Médicis doit-elle seule en porter la responsabilité dans l’histoire ? « Italienne vindicative et ambitieuse, écrit M. de Meaux, elle a porté sur le trône de France les sentimens d’un aventurier investi par hasard d’un pouvoir usurpé, tel qu’était son cousin Côme par exemple. » Les dépêches du duc d’Albe démontrent, suivant M. de Meaux, que l’extermination des huguenots n’avait pas été convenue entre Philippe II et Catherine de Médicis dans la fameuse entrevue de Bayonne ; mais il cite la dépêche chiffrée datée de Madrid du 5 août 1572 (publiée par le père Theiner dans les Annales ecclesiastici), dans laquelle Philippe II prescrit à son ambassadeur de pousser Charles IX au massacre des huguenots réunis à Paris, d’achever l’œuvre commencée par le duc d’Albe. Philippe II, d’ordinaire très secret, communiqua cette instruction au nonce du pape à Madrid, et c’est par la dépêche du nonce à sa cour que nous en avons connaissance. L’idée de l’extermination, du massacre des hérétiques, était dans l’air au XVIe siècle : on voulait purger d’un coup les royaumes des ennemis de la paix publique. M. de Meaux tient beaucoup trop à faire porter tout le poids de la responsabilité du massacre français par une Italienne, Catherine, par un Espagnol, Philippe. Les Guises, le peuple de Paris, le roi, ont-ils donc été des instrumens aussi inconsciens que les cloches de Saint-Germain-l’Auxerrois ?

Il s’obstine trop, à notre sens, dans les questions redoutables des responsabilités. Bossuet l’avait déjà fait dans son Histoire des variations des églises protestantes. Il s’y donne beaucoup de mal pour prouver que les huguenots commencèrent les guerres civiles. En parlant de Calvin, « la rébellion, dit Bossuet, fut le crime de tous ses disciples. » Le début des guerres importe moins que ce qui les a rendues nécessaires : il était bien clair que les réformés ne tireraient pas éternellement leur gloire de leurs martyrs, et qu’aussitôt qu’ils se sentiraient forts, ils opposeraient la force à la force. La conjuration d’Amboise, le massacre de Vassy, l’entreprise de Meaux, ne furent que les étincelles, qui produisirent de grands embrassemens. La guerre civile était dans les esprits, et les édits de pacification qui suivaient les guerres n’étaient que des trêves arrachées à l’épuisement momentané d’un des partis. M. de Meaux reproche aux protestans d’avoir toujours été prêts les premiers ; il les trouve trop agressifs, trop disposés à recourir à la violence. On ne saurait le nier, mais la noblesse française qui avait épousé la réforme vivait sous les armes ; elle n’était point avare de son sang, et comme les martyrs du menu peuple confessaient leur foi sur les échafauds, elle