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adopté, le roi a sanctionné une loi qui rend désormais facultatif l’enseignement religieux ou, pour mieux dire, qui le laisse « aux soins des familles et des ministres des différens cultes ; » la loi décide de plus que, dans l’intérieur des établissemens primaires, il y aura un local particulier à la disposition des ministres de culte, qui auront toute liberté de donner l’instruction religieuse aux enfans de leur communion. C’est, si l’on veut, une limitation ombrageuse de l’influence ecclésiastique et jusqu’à un certain point une représaille de combat contre ce qu’on appelle la prépotence cléricale dans les écoles ; ce n’est point absolument une exclusion. La loi du mois de juillet n’en pas moins suffi pour enflammer toutes les passions, pour pousser au dernier degré de l’animosité la guerre entre les deux partis, entre catholiques et libéraux. Le ministère a tenu naturellement à faire exécuter sa loi ; l’épiscopat belge tout entier a protesté, organisant une campagne d’agitation contre la loi, défendant aux prêtres de donner l’instruction religieuse dans les conditions nouvellement établies, menaçant des peines spirituelles, des foudres de l’église et les instituteurs placés à la tête de l’enseignement de l’état, et les parens qui enverraient leurs enfans dans les écoles, et les enfans eux-mêmes. Il est arrivé ce qui arrive toujours dans les guerres de ce genre, les exagérations répondent aux exagérations. Si les libéraux belges, sous prétexte de défendre l’esprit moderne et la société laïque, s’exposent parfois à violenter les croyances d’une partie de la population, à froisser une opinion considérable dans le pays, les catholiques, à leur tour, en croyant défendre leur religion, risquent de méconnaître les plus simples droits du pouvoir civil, la constitution elle-même. Il y a des catholiques qui font très bon marché de toutes les libertés constitutionnelles, qui ont menacé de protester par leur abstention ou par une ostentation de deuil contre les fêtes qui doivent être célébrées dans quelques mois pour la cinquantième anniversaire de l’indépendance nationale.

C’est ici justement, entre toutes ces passions extrêmes, qu’apparaît le nouveau pape Léon XIII. Il y a des libéraux belges qui, par représaille contre les catholiques, n’ont cessé et ne cessent encore de réclamer le rappel de la légation entretenue par la Belgique auprès du Vatican. Le ministère s’est très politiquement refusé jusqu’ici à cette mesure, et la justification la plus plausible de sa prudence est dans les négociations que M. Frère-Orban vient d’exposer devant le parlement de Bruxelles, dans l’évident esprit de conciliation du souverain pontife lui-même.

Oh ! sans doute, il ne faut pas s’y tromper, si on prétend ouvrir avec le saint-siège une discussion sur des affaires de dogme et de doctrine, sur le principe des droits et des devoirs de l’église, on risque fort de ne point s’entendre. Si on veut obtenir du pape le désaveu éclatant de l’épiscopat belge, l’approbation complète d’une mesure qui diminue l’action religieuse dans les écoles, on n’obtiendra rien de semblable. La