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marquent les traits de la religion des Néo-Zélandais. Ces hommes ne s’inclinent point devant un fétiche, mais les principaux personnages s’imaginent volontiers porter en eux-mêmes les attributs de l’être suprême. Selon M. Marsden, ils n’admettent en aucune façon que le même dieu ait créé les blancs et le peuple des îles australes, — ils fournissent des argumens en faveur de cette opinion.

Au mois d’août 1819, le fondateur de la colonie revenait à la Nouvelle-Zélande en compagnie des deux jeunes insulaires envoyés en Angleterre, depuis peu de retour à Port-Jackson, et de trois nouveaux pasteurs, l’un avec sa femme, l’autre avec femme et enfans. A Rangihou, M. Marsden, se trouvant entouré de la foule des naturels qui l’acclament, nous apprendra qu’à la vue de cette plage et de tout ce monde son cœur s’enflammait et qu’il croyait avoir atteint la terre promise. Hongi, accouru à sa rencontre, lui annonça qu’il partait en guerre contre Wangaroa pour un motif sérieux : une baleine s’était échouée sur une grève dans le district de Hongi, et les gens de Wangaroa s’étaient permis de manger la baleine. Le ministre évangélique réussit à calmer les ardeurs belliqueuses de son ami et l’entretint de l’idée de fonder un second établissement en un lieu où l’on pourrait étendre les cultures dans de larges proportions. Sous la conduite de Hongi, charmé de plaire, M. Marsden et ses confrères, les nouveaux venus, s’embarquent dans une pirogue pour un endroit situé à une douzaine de milles au sud de Rangihou. On arrive à l’embouchure d’une belle rivière ; le sol est uni, facile à défricher, abrité des vents par les collines, la situation est pittoresque, tous les avantages désirables semblent préparés : c’est le territoire de Kerikeri. Le grand chef offre de livrer autant d’espace qu’on en peut souhaiter ; on dîne au village, et la soirée s’écoule dans une agréable conversation avec Hongi et son entourage ; on chante une hymne, et le pieux chapelain, non sans avoir adressé à l’éternel une action de grâces pour la tranquillité dont il jouit au milieu des cannibales, s’endort comme dans les scènes d’une idylle. Au réveil, il aperçoit une délicieuse cascade ; les eaux de la rivière, passant sur la roche polie, tombent après le retrait du Ilot d’une hauteur de 3 mètres dans un superbe bassin d’où, avec la marée, elles s’écoulent dans la baie. Kerikeri était adopté pour la nouvelle station des missionnaires[1].

Korokoro, jaloux de la préférence, éclata en invectives contre Hongi ; on l’apaisa par la promesse que des Anglais iraient résider sur son domaine. M. Marsden se laissa conduire à Paroa ; le vieux chef proposa de faire abandon complet d’une belle terre qui forme le fond d’une crique. ; séduit par les agrémens de la

  1. Cette station dans le rapport de Marsden et dans les écrits de la même époque est appelée Kidi-Kidi.