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17 juin 1829[1], il coûtait annuellement sept millions au Trésor. Bien que les chambres réclamassent contre cet état de choses, il menaçait de se continuer. Hussein-Dey semblait après tout s’y résigner, puisqu’il résistait à toutes les tentatives directes ou indirectes faites auprès de lui pour l’amener à donner à la France une légitime satisfaction.

La dernière démarche qui fut tentée auprès de lui date du 31 juillet 1829. Pressé par son gouvernement d’essayer une fois encore de la conciliation, le contre-amiral de la Bretonnière, qui avait succédé au contre-amiral Collet, — ce dernier avait été élevé à ce grade pendant le blocus, — se présenta devant Alger à bord du vaisseau la Provence ; par l’entremise du consul général de Sardaigne, il demanda au dey une audience qui lui fut accordée sur-le-champ. Le chef de l’escadre française débarqua donc sur le sol algérien. Suivi d’une escorte, il se rendit à la Casbah, au milieu d’une foule frémissante. Il y revint de nouveau le surlendemain. Mais ni dans l’un ni dans l’autre de ces deux entretiens, il ne put faire entendre raison à Hussein-Dey, qui persistait à ne se reconnaître aucun tort envers le consul Deval et qui termina la discussion en ces termes : « J’ai de la poudre et des canons, et puisqu’il n’y a pas moyen de s’entendre, vous êtes libre de vous retirer. Vous êtes venu sous la foi d’un sauf-conduit ; je vous permets de vous retirer. » M. de la Bretonnière retourna à son bord, mais retarda son départ de quelques heures, afin de laisser au dey le temps de la réflexion.

Le lendemain, sous les yeux de tout un peuple groupé sur le rivage et sur les terrasses d’Alger, la Provence portant le pavillon parlementaire, sortit du port. Tout à coup, un coup de canon se fit entendre, accompagné bientôt de détonations plus violentes, et une pluie de boulets vint tomber autour du vaisseau amiral, qui ne reçut heureusement que des avaries insignifiantes. Dans son fol orgueil, Hussein n’avait pas craint de violer le droit des gens et de faire cette insulte au drapeau français. M. de la Bretonnière eut néanmoins le courage de garder son pavillon parlementaire et ne tira pas un seul coup de canon, trait de sang-froid que plusieurs officiers étrangers, témoins indignés de cette scène, louèrent fort.

  1. Ce jour-là, une felouque étant parvenue à sortir du port d’Alger, deux frégates, l’Iphigénie et la Duchesse-de-Berry, lui donnèrent la chasse. Le corsaire s’étant jeté à la côte, trois embarcations furent envoyées par chacune des deux frégates pour le détruire. Malheureusement une de ces embarcations fut portée par la lame sur le rivage couvert de gens armés. Les autres allèrent à son secours, au milieu des difficultés créées par l’état de la mer. Mais, quand il fallut revenir, une seule embarcation put être renflouée, et déjà trop chargée fut hors d’état de contenir tout le monde. Vingt-cinq officiers et marins se dévouèrent pour le salut de leurs camarades et périrent héroïquement. Parmi eux se trouvaient les aspirans Cassius et Barbignac.