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il ignorait si, après ces élections, il resterait au pouvoir ; il n’avait donc pas voulu engager ses successeurs dans une entreprise aussi grave que l’envoi à Alger d’une armée de débarquement dont des études préliminaires avaient fixé l’effectif nécessaire à 35,000 hommes. M. de Martignac, qui avait hérité en 1828 de la question algérienne, s’était trouvé en présence de difficultés analogues : l’expédition de Morée d’abord, la guerre d’Orient ensuite. D’accord avec ses collègues, il n’avait pas jugé que ce fût le moment de se jeter dans une expédition à laquelle d’ailleurs les fractions libérales de la chambre dont il recherchait l’appui se montraient hostiles. Il avait même tenté une fois encore d’arriver avec le dey à une entente pacifique, et le contre-amiral de la Bretonnière s’était rendu à Alger, porteur d’ouvertures conciliatrices, accueillies, comme on l’a vu, par un nouvel outrage.

En présence de tels événemens, M. de Polignac ne pouvait hésiter. Il comptait dans son ministère, à la guerre et à la marine, deux hommes énergiques, le général comte de Bourmont et le baron d’Haussez. Leur conviction et leur accord dissipèrent les hésitations qui régnaient encore dans le conseil du roi. Après avoir été sur le point d’engager les puissances chrétiennes à se joindre à lui, après avoir eu un moment la pensée de charger Méhémet-Ali, pacha d’Égypte, du soin de sa vengeance, — cette idée souriait particulièrement à M. de Polignac, — le gouvernement français résolut d’agir directement, par ses armes, sans faire appel à aucun concours étranger et, à la fin de janvier 1830, l’expédition était décidée. Cinq jours après, le vice-amiral Duperré, auquel le choix du roi avait destiné le commandement de la flotte, quoiqu’il appartint à l’opposition, était appelé de Brest à Paris pour y recevoir ses ordres. En même temps, une commission composée d’officiers supérieurs, sous la présidence du ministre de la marine, était chargée de régler les conditions de l’expédition, d’en fixer l’effectif, de déterminer les moyens de transport et d’arrêter le point où s’opérerait le débarquement. On introduisit dans cette commission quelques jeunes marins, entre autres le capitaine Dupetit-Thouars, qui venait de passer trois années devant Alger, et en avait étudié les défenses aussi bien que les moyens de les tourner pour les anéantir.

Il est remarquable que d’abord ce fut seulement parmi ces jeunes officiers que le ministre de la marine trouva un énergique appui pour ses projets. Les membres supérieurs de la commission les déclaraient irréalisables. Le vice-amiral Duperré lui-même ne croyait guère à la possibilité de les faire réussir. M. Alfred Nettement cite une curieuse lettre de lui, en date du 2 mars 1830, dans laquelle sont accumulés avec une prévoyance, véritable chef-d’œuvre de