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Le 13 juin, au petit jour, à la suite d’une violente tempête, le ciel s’étant éclairci, Alger apparut tout à coup aux yeux émerveillés de nos soldats, avec ses terrasses étagées, toute blanche sur un fond de verdure sombre, laissant voir sa population pittoresquement groupée de tous côtés et contemplant avec une surprise mêlée de terreur la magnificence de cette mer couverte de voiles, de ces bâtimens de guerre chargés de marins et de soldats, qui venaient apprendre à Hussein-Dey que l’heure de son châtiment avait sonné. La flotte défila devant Alger pour gagner la presqu’île de Sidi-Ferruch, où elle arriva quelques heures après, et où le lendemain, le corps expéditionnaire débarquait, malgré les efforts de quelques milliers de Turcs et d’Arabes, qui furent vivement repoussés au delà des dunes. Ils se retirèrent en désordre sur le plateau de Staoueli, abandonnant derrière eux une douzaine de canons, non sans avoir révélé la sauvage horreur de leurs coutumes, en décapitant quelques malheureux soldats tombés en leur pouvoir. Dans sa lettre du 2 mars, l’amiral Duperré estimait que le débarquement de l’armée n’exigerait pas moins de vingt-sept jours. Ces prévisions pessimistes reçurent le 14 juin un éclatant démenti, car le débarquement fut opéré en huit heures. Le même soir, l’armée campait sur la presqu’île de Sidi-Ferruch, d’où elle devait se mettre en marche le lendemain pour conquérir Alger, — campagne glorieuse qui dura moins que ne devait, d’après l’amiral, durer le débarquement. Vingt jours suffirent en effet à l’armée française pour s’ouvrir des routes à travers l’Afrique, pour chasser devant elle Turcs et Arabes, ces frères ennemis de vieille date qui venaient de s’unir devant le péril commun, et pour ajouter au long catalogue des victoires de la France la bataille de Staoueli, les combats de Sidi-Khalef, de Dely Ibrahim, de Chapelle et Fontaine, et la prise du fort de l’Empereur, où elle entra parmi les ruines sous lesquelles l’ennemi avait espéré l’ensevelir et qui ne servirent qu’à hâter sa défaite. Le 4 juillet, l’armée française était devant Alger ; le général en chef y recevait la nouvelle qu’Hussein-Dey se reconnaissait vaincu et avait pris le parti de négocier.


III

Bien que le long blocus d’Alger eût singulièrement réduit les forces d’Hussein-Dey et affaibli son influence sur ses sujets, il était loin de se croire perdu. Les coups du sort semblaient impuissans contre son imperturbable confiance. Cependant, il avait vu, depuis trois ans, décroître dans des proportions inquiétantes la population turque, la seule qui lui fût dévouée. D’environ quatorze mille