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une chambre française trois cent cinquante membres pour condamner les jésuites dans le même temps qu’ils amnistiaient la commune. Nous n’épiloguerons pas sur un tel chiffre : il est écrasant. Toutefois on nous permettra bien de nous demander si tout est également de bon aloi dans ce vote, et dans la discussion qui l’a préparé ; si les argumens qu’ont fait valoir les adversaires de la liberté d’enseignement sont bien solides, et si la passion n’y a pas eu plus de part que la justice. Il y a là, pour qui veut bien réfléchir et peser, matière à plus d’une remarque intéressante. Les grands discours prononcés par M. le ministre de l’instruction publique dans les séances des 27 et 28 juin dernier nous fourniront notamment une ample moisson.

La thèse ministérielle peut se ramener aux quatre points suivans ; 1° le projet de loi n’excède pas le droit de l’état ; 2° il répond à un péril sérieux ; 3° il est efficace ; 4° il est opportun.

En ce qui concerne le premier point, l’argumentation de M. le ministre de l’instruction publique est d’une grande simplicité. Nous ne sommes pas, a-t-il dit, les adversaires de la liberté d’enseignement ; nous croyons seulement que cette liberté n’est pas un droit naturel, et, lorsque nous l’enlevons aux congrégations non autorisées, nous ne faisons qu’exercer une reprise. Et à l’appui de ce raisonnement, M. le ministre de l’instruction publique cite la constitution de 1848, qui n’a pas inscrit la liberté d’enseignement au chapitre des droits de l’homme, l’opinion de M. Jules Simon en 1848, celle de M. Thiers en 1844. Cela fait, il examine la situation légale des congrégations et n’a pas de peine à démontrer qu’elles sont encore régies par les lois de 1790 et 1792 et par le décret de messidor an XII.

Nous connaissions déjà cette argumentation ; c’est celle même du rapport rédigé à l’appui du projet de loi. M. Ferry n’y a rien ajouté qu’un certain nombre de citations empruntées au répertoire de jurisprudence de Dalloz, et qui ne la rendent ni plus forte, ni moins équivoque. En effet la difficulté n’était point d’établir que la liberté d’enseignement ne constitue pas un droit naturel. Il n’y a que M. de Montalembert qui ait osé soutenir la thèse contraire ; encore n’y a-t-il point persévéré. Le vrai point du débat, c’était de montrer que l’article 7 est conforme aux principes du droit actuel, du droit réel et positif : c’est là ce qu’il eût fallu prouver et c’est là que les textes eussent été vraiment à leur place. Que nous font aujourd’hui les droits de l’homme, et qui attache encore de l’importance aux vaines déclarations qui se trouvent en tête de nos premières constitutions républicaines ? Que nous importe que la constitution de 1848 n’ait pas inscrit la liberté d’enseignement au nombre des droits primordiaux, antérieurs, immanens, comme on