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politique antifrançaise, antinationale, la politique de la révocation de l’édit de Nantes et des dragonnades. Pourquoi ne pas lui demander aussi de signer sa propre abdication et de rédiger son épitaphe ?

Et quelles pauvres raisons invoque-t-on pour le décider ! Quels argumens fait-on valoir ? Des argumens tirés d’un droit public aboli depuis trente ans et quelques mauvaises citations découpées dans un précis d’histoire. Voilà ce qu’on a trouvé de plus fort et de plus concluant contre les congrégations, voilà le crime qu’il faut leur faire expier. On ne s’est pas demandé si d’aventure et par ailleurs elles ne mériteraient pas quelque indulgence. On ne leur a tenu compte ni des neuf mille jeunes filles ou jeunes gens qu’elles élèvent gratuitement, ni des services qu’elles rendent à la civilisation en portant le christianisme et le nom français jusqu’au cœur de l’Afrique et de l’Asie. Qu’importent ces choses à des gens qui ont une vieille rancune à satisfaire et qui sont les plus forts ?

Le sénat n’a pas, lui, de rancune à poursuivre, et c’est avec un libre et ferme esprit qu’il abordera ce débat. On l’a rapetissé, rabaissé, réduit à des proportions misérables ; il faut qu’il l’agrandisse et qu’il le porte à la hauteur où l’avaient élevé la chambre des pairs en 1844 et l’assemblée nationale en 1850. Il faut surtout qu’il le replace sur son véritable terrain : celui de l’éducation et de la pédagogie. Si l’enseignement congréganiste a des lacunes, des faiblesses, l’Université n’a-t-elle pas aussi ses imperfections ? Ne s’est-elle pas attardée plus qu’il ne convenait à de vieilles méthodes ? A-t-elle fait tout ce qu’elle aurait dû, pour conserver son ancienne clientèle aristocratique et bourgeoise ? Donne-t-elle assez de soins au corps et à l’âme des jeunes gens qu’on lui confie ? Enfin n’y aurait-il pas un peu de sa faute dans l’engouement qu’un grand nombre de familles montrent aujourd’hui pour les établissemens congréganistes, et ne serait-ce pas dans une réforme judicieuse, prudente, du régime intérieur de nos collèges qu’il conviendrait de chercher un remède à cet état de choses ? Ce point de vue semble avoir échappé complètement à M. Ferry ; il n’était pourtant pas indigne de fixer son attention, et, sans remonter au delà de 1870, M. le ministre de l’instruction publique l’eût trouvé développé avec beaucoup de compétence dans des publications récentes émanées d’hommes profondément dévoués à l’Université.

M. Michel Bréal, notamment, nous a donné en 1872 un livre dont la conclusion, bien radicale à notre avis, est que nos lycées auraient besoin « d’une réforme profonde. » Et veut-on savoir la curieuse raison qu’il en allègue ? C’est que nous avons conservé dans