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s’adresse à son tuteur avec la même confiance, l’écoute avec autant de respect que s’il était son fils. »

Ainsi voilà deux écrivains d’une compétence reconnue, un inspecteur général et un ancien ministre de l’instruction publique, qui s’accordent pour réclamer de profondes réformes dans notre organisation scolaire. Celui-ci la trouve étroite, arriérée, et c’est sous les plus sombres couleurs qu’il nous peint cette vie morale du lycée, dont rien n’égale « le vide désolant ; » l’autre, moins absolu, moins affirmatif, mais non moins sévère au fond, estima que « nos maisons d’éducation ne méritent pas ce titre[1], » et semble désespérer de les amender. Il l’a essayé, rendons-lui cette justice ; il avait eu le courage de signaler le mal[2]. D’autres avant lui l’avaient également tenté. Ils ont trouvé devant eux la routine ou la force des choses, et ils ont été vaincus par elles. On a bien introduit par-ci par-là quelques réformes judicieuses : à Paris notamment, grâce à l’intelligente initiative de certains proviseurs, soutenus par un personnel d’élite, plus d’une amélioration a été réalisée. Les élèves sont un peu moins surchargés de devoirs écrits, on s’est efforcé de développer l’enseignement des langues vivantes et de la géographie ; la gymnastique, rendue obligatoire en 1869, ne figure plus seulement sur les programmes : on s’est enfin décidé à lui faire une petite place entre le thème grec et le vers latin. Mais qu’a-t-on fait d’important sous le rapport de l’éducation morale et physique ? On a donné deux ou trois cents francs de plus à nos maîtres d’étude, et l’on a construit trois ou quatre nouveaux lycées en province, où cela n’était pas nécessaire, au lieu d’augmenter le nombre de ceux de Paris, qui est manifestement insuffisant. Et voilà tout. Au résumé, la grande objection des pères de famille contre l’Université subsiste dans toute sa force. L’Université possède un personnel de professeurs incomparable, et ses études, quelques critiques qu’on puisse leur adresser, défient, dans les lettres au moins, toute comparaison ; — mais elle n’a, sauf de rares exceptions, que de très médiocres maîtres surveillans, et l’éducation proprement dite y est négligée. La seule que nos enfans y reçoivent est celle qu’ils puisent eux-mêmes dans les leçons de leurs professeurs et dans le commerce des grands écrivains. C’est déjà beaucoup sans doute, car l’enseignement n’est pas seulement affaire de gérondif et supin, ou de dates et de faits, et tout ne s’y réduit pas à de simples exercices de style, comme on l’a prétendu. L’Université, grâce à Dieu, vise plus haut, et nous avons connu plus d’un professeur dont les leçons

  1. M. Jules Simon, Réforme de l’enseignement secondaire, page 249.
  2. Voir la circulaire du 22 septembre 1872.