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loi qui régit ce fait sont choses toutes différentes, et, quoique le mot d’affinité soit aussi ancien que la chimie, on n’avait pas encore trouvé les lois de l’affinité. A vrai dire, on ignorait même si l’affinité avait des lois.

Il y a eu cependant des tentatives ingénieuses faites pour relier l’affinité à la chaleur ou à l’état physique des corps. M. Sainte-Claire Deville, reprenant une idée entrevue par Lavoisier, avait fait quelques expériences intéressantes, comme aussi MM. Favre et Silbermann. Mais ces données étaient assez vagues, et, si la vérité était pressentie, elle n’était pas démontrée, elle n’était pas établie de manière à former une doctrine complète et inattaquable. Le premier, M. Berthelot a définitivement prouvé que l’affinité n’est pas une force irrégulière, mais qu’elle est soumise à une loi très simple. L’affinité de deux élémens l’un pour l’autre est d’autant plus forte que la quantité de chaleur qu’ils produisent en se combinant est plus considérable. Ainsi, quand l’hydrogène brûle dans l’oxygène, il y a un énorme dégagement de chaleur ; il suit de là que l’affinité de l’hydrogène pour l’oxygène est très grande. De même le phosphore brûle dans l’oxygène en dégageant une quantité de chaleur considérable ; donc son affinité pour l’oxygène est très grande.

Réciproquement les élémens qui, en se combinant les uns aux autres, ne dégagent pas de chaleur, ont peu d’affinité l’un pour l’autre. Par exemple, comparons l’azote à l’hydrogène. L’azote, comme on sait, est un des gaz qui constituent l’air atmosphérique, lequel contient quatre parties d’azote, gaz impropre à la vie et à la combustion, et une partie d’oxygène. Or l’azote ne peut pas (au moins directement) se. combiner à l’oxygène, son affinité pour ce gaz étant très faible. Mais pourquoi cette affinité est-elle si faible, tandis que celle de l’hydrogène pour l’oxygène est si puissante ? C’est que la combinaison d’azote et d’oxygène, au lieu de dégager de la chaleur, en absorbe. Il y a donc deux sortes de combinaisons : les unes absorbent de la chaleur, et alors l’affinité est très faible, comme par exemple entre l’azote et l’oxygène ; les autres dégagent de la chaleur, et alors l’affinité est puissante, comme par exemple entre l’hydrogène et l’oxygène, qui se combinent pour former de l’eau.

Il y a plus : lorsque deux corps se combinent en proportions diverses, pour fermer deux ou plusieurs combinaisons, c’est toujours la combinaison dégageant le plus de chaleur qui tend à se former. Pour continuer le même exemple de l’oxygène et de l’hydrogène, ces deux gaz se combinent pour former de l’eau, mais on peut encore, par des procédés fort complexes, obtenir une deuxième combinaison qui contient plus d’oxygène que la première, c’est ce qu’on appelle l’eau oxygénée ou le bioxyde d’hydrogène ordinaire, l’eau étant un protoxyde d’hydrogène. Or l’hydrogène, en formant le protoxyde, dégage plus de chaleur