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irrigations dont la mise en pratique a devancé de beaucoup l’explication physiologique des phénomènes.

L’art de l’irrigation, originaire des contrées méridionales de l’Asie, y était en effet connu dès la plus haute antiquité[1]. Il était pratiqué en Chine, dans l’Inde, en Assyrie, en Égypte, bien avant que les Romains l’eussent transporté en Italie et dans le midi de la France. Depuis lors néanmoins il est resté presque stationnaire et n’a conquis que peu de terrain. En France, on évalue à 200,000 hectares environ l’étendue des terrains irrigués et à plus de 3 millions d’hectares celle des terrains susceptibles de l’être. La lenteur de ces progrès est due à l’état de la législation, à la division de la propriété et surtout à l’ignorance des populations. C’est pour combattre cette dernière que la Société des agriculteurs a publié il y a quelques années, à ses frais, après un concours, l’ouvrage de M. Charpentier de Cossigny, c’est pour lever les obstacles créés par les deux autres causes que le gouvernement a chargé une commission spéciale d’étudier, sous toutes ses faces, la question de l’emploi des eaux en agriculture. En attendant que les conclusions de cette commission soient transformées en projet de loi, il agit par voie d’encouragemens en instituant dans les départemens du midi des concours d’irrigation.

Dès 1874,M. Halna du Fretay, inspecteur général de l’agriculture, frappé des ruines occasionnées par les ravages du phylloxéra, par la maladie des vers à soie, par l’abandon de la culture de la garance, a pensé qu’il fallait procurer aux départemens menacés d’autres élémens de production, et il a proposé et fait décider par le ministre de l’agriculture l’institution de concours destinés à montrer à tous qu’avec de l’eau et du soleil on peut obtenir les plus belles récoltes et produire des fourrages en abondance. M. Barrai, secrétaire perpétuel de la Société nationale d’agriculture, chargé de la rédaction des rapports, s’attache à mettre en lumière les résultats obtenus et à faire connaître les méthodes qu’il serait désirable de voir se généraliser. Dans ceux qu’il à déjà fait paraître et qui concernent les départemens des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et de la Haute-Vienne, il constate que partout où des irrigations ont été pratiquées les prairies ont produit jusqu’à 10,000 kilogrammes de fourrage sec par hectare, et que les propriétés ont triplé ou quadruplé de valeur pour une dépense relativement minime.

La construction des canaux d’irrigation est faite tantôt par l’état, tantôt par des associations syndicales qui réglementent l’usage

  1. Notions élémentaires théoriques et pratiques sur les irrigations, par M. Charpentier de Cossigny.