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elles sont couchées avec la modestie requise, et aussi pour voir si elles sont bien couvertes en hiver. »

L’instruction proprement dite tient peu de place dans l’éducation des petites filles de Port-Royal. La lecture, l’écriture, l’évangile, le catéchisme, la théologie, un peu d’arithmétique les dimanches, voilà tout ce qu’elles apprennent. Sachons gré aux religieuses jansénistes de leur zèle et de leurs efforts, mais constatons que pendant toute la durée de l’ancien régime, l’éducation des filles, abandonnée aux mains des congrégations, tout imprégnée de l’esprit religieux et monastique, resta fort en arrière de celle des garçons.

Il est impossible de quitter le XVIIe siècle sans rappeler les noms de Bossuet et de Fénelon. Tous deux, avec des succès inégaux et des aptitudes fort diverses, furent des précepteurs éminens. Dans le plan d’éducation pour le dauphin, Bossuet apporta cette hauteur de vues, cette noblesse qui sont comme l’essence de son génie. On a dit que la grandeur du maître écrasa la débile intelligence du disciple. Bossuet cependant descendit jusqu’aux plus humbles détails de son métier de pédagogue. N’est-il pas touchant de voir l’incomparable orateur rédiger lui-même une grammaire latine où, par une innovation qui n’était pas alors sans hardiesse, les règles sont présentées en prose française ? Bossuet sent toute l’utilité de l’histoire, surtout de l’histoire de France, et, pour l’enseigner, il ne craint pas de remonter aux sources, « empruntant, dit-il, aux auteurs les plus dignes de confiance tout ce qu’il avait jugé le mieux propre à faire comprendre au prince la suite des événemens et des affaires. » Il n’apprécie pas moins l’importance de la géographie, dont il se garde bien de faire ce qu’elle est trop souvent, une simple nomenclature. « Nous l’étudions en jouant et comme en faisant voyage, examinant les mœurs, surtout celles de la France, nous arrêtant dans les plus fameuses villes, pour connaître les humeurs opposées de tant de divers peuples qui composent cette nation belliqueuse et remuante. » Comme professeur de philosophie, il a donné sa mesure dans le Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même et dans la Logique. Ce qui fait peut-être le plus d’honneur à Bossuet, c’est que dans sa pensée, l’éducation dont il avait tracé et rempli le magnifique programme ne devait pas rester le privilège de l’héritier du trône ; il rentrait dans ses espérances qu’elle « fût rendue commune à tous les Français. »

Une merveilleuse souplesse d’esprit, une douceur persuasive, une grâce et une tendresse pénétrantes, et, il faut bien le dire, une rare intelligence chez le disciple, assurèrent à Fénelon un des plus beaux triomphes qu’ait jamais remportés l’éducation. Si personne, au XVIIe siècle, ne surpasse Bossuet pour la théorie de