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beaucoup les contribuables, dont elles frappent toujours la même classe. On éprouvait des scrupules plus grands encore à diminuer le montant des dépenses dans un immense pays dont l’administration rencontre des difficultés toutes spéciales. La dotation des services publics n’entrait, en réalité, dans ce montant, défalcation faite dés intérêts de la dette, que pour 251 millions. Avec cette somme, à peine plus forte que le budget de la ville de Paris, il fallait faire régner l’ordre et la prospérité sur un territoire presque aussi vaste que l’Europe.

Il ne restait guère que la ressource d’escompter l’avenir, et M. Silveira de Martins ne manqua pas d’y recourir. Malheureusement, de tous les moyens d’escompter l’avenir, il proposa le plus funeste, c’est-à-dire une nouvelle émission d’un papier-monnaie, dont les quantités en circulation déjà excessives avaient fort déprécié la valeur. La popularité du secrétaire d’état du trésor, très grande au moment de son arrivée au pouvoir, succomba complètement dans cette tentative. Il dut déposer son portefeuille, et M. Affonso Celso fut appelé à lui succéder.

Éclairés par cette mésaventure, le président du conseil et le nouveau ministre des finances se décidèrent à revenir aux anciens erremens, à lancer un nouvel emprunt. Mais leur tâche était loin d’être aisée. En effet, dans toutes les opérations de crédit auxquelles se livre le gouvernement brésilien, l’intérêt des sommes qu’il emprunte est invariablement payable en or, mais le prix des titres qu’il vend peut être acquitté en papier-monnaie. Si le change est bas au moment de l’emprunt, le gouvernement perd donc toute la différence entre le taux du papier qu’il reçoit et le taux de l’or qu’il paie. Or le change était des plus défavorables aux fonds brésiliens en juin 1879. Le milreis, dont la valeur est, au pair, de 2 fr. 88 c, se vendait communément 2 fr. 10 c. Il était donc indispensable, dans l’intérêt du trésor, de provoquer une hausse du cours du change au moment de l’emprunt, cette hausse dût-elle, être momentanée, et c’est avec une habileté consommée que ce résultat fut poursuivi et obtenu.

Comme nous l’avons déjà dit, jusqu’à cette année la place de. Londres a été le seul marché des entreprises brésiliennes. Ce marché ne se montrant plus favorable, il était de la plus haute importance de lui trouver sinon un suppléant (ce que peut-être les ministres ne désirent pas), au moins un marché rival qui par la concurrence pût redonner du prix aux valeurs dépréciées. Le marché français était admirablement disposé pour jouer ce rôle. Quelques affaires de chemins de fer brésiliens apportées sur la place de Paris venaient d’y être examinées et paraissaient devoir trouver des