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judaïque, et elle n’est pas admise par les auteurs chrétiens du XVIe siècle. Del Rio s’élève même contre l’opinion des auteurs qui pensent qu’Adam a composé les livres d’alchimie. Il ne nous en reste rien, dit-il fort sagement, et cette opinion, qui est le rêve d’hommes oisifs, n’est fondée sur aucune preuve. En réalité, c’est Cham qui est le premier auteur de la magie diabolique. Sur ce point aussi il y a désaccord, car, pour Bernard Basin, le premier magicien est Zoroastre, qui, au moment de sa naissance, au lieu de pleurer comme les autres enfans, se mit à rire, ce qui indiquait bien sa nature diabolique.

Que ce soit Adam, Cham ou Zoroastre, ce qui est prouvé, c’est que de toute antiquité il y a eu des sorciers, des obsessions diaboliques et des méchancetés de l’esprit malin. Pharaon avait des magiciens qu’il opposa à Moïse. La pythonisse d’Endor était une sorcière. Orphée, qui charmait les bêtes ; Amphion, qui faisait mouvoir les pierres aux accords de sa lyre, ne sont autres que des sorciers. Nabuchodonosor, qui fut changé en bête, est un terrible exemple de lycanthropie, comme aussi le malheureux Lycaon dont parle Ovide. Iphigénie fut changée en biche par un sortilège. Circé était une magicienne fameuse, comme Médée. Numa Pompilius fut abusé par la nymphe Egérie, qu’il ne savait pas être une sorcière. Epiménide, qui dormit cinquante ans dans une caverne de Crète, fut la victime du diable. La femme de Loth fut changée en statue de sel par le diable. Il n’est pas jusqu’à l’ânesse de Balaam qui ne soit invoquée comme un exemple de l’action de Satan sur les bêtes. En tous cas, l’un des plus grands sorciers, c’est Virgile, « le chancelier d’Auguste » qui commandait aux abeilles et qui descendit aux enfers. Si on a brûlé beaucoup de sorciers, au moins on ne craignait pas de les mettre en bonne compagnie.

Un point sur lequel tout le monde est d’accord, c’est qu’il y a beaucoup plus de sorcières que de sorciers. C’est, dit Sprenger, parce que la femme est plus défectueuse, et cette défectuosité tient d’abord à ce qu’elle a été créée de la côte du premier homme, ensuite à ce qu’elle a moins de foi, ce qui se révèle dans le mot lui-même femina, femme, qui signifie fide minus, moins de foi ; c’est enfin à cause de son impatience et de sa légèreté qui lui font renier plus facilement ses croyances. Sur la fragilité de la femme, Sprenger ne tarit pas. Il énumère gravement tous les exemples de femmes infidèles qui ont suivi l’exemple d’Eve, leur mère commune. En elles, dit le savant homme, il y a trois vices généraux : l’infidélité, l’ambition et la luxure. Un autre, le chanoine Basin, rappelle cette parole de l’Ecclésiaste qu’il vaut mieux habiter avec un lion et un dragon dévorant qu’avec une méchante femme. Guillaume de Paris