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l’importation de celui-ci excéder l’exportation et vingt-deux fois l’exportation l’emporter sur l’importation.

En 1877, il a été cultivé en blé 6,976,785 hectares qui ont produit 100,146,000 hectolitres ou 14 hect. 35 à l’hectare. Il en a été importé 4,641,000 hectolitres, et exporté 4,961,370. En 4878, il a été emblavé 6,843,085 hectares, qui ont produit 95,271,000 hectolitres ou 13 hect. 92 à l’hectare ; ce blé était de très mauvaise qualité et ne pesait guère que 72 kilogrammes l’hectolitre, au lieu de 77 qu’il pèse d’habitude. Il en a été importé 17 millions d’hectolitres, qui ont dû être soldés en argent, ce qui a par conséquent entraîné pour le pays une perte réelle de 472 millions ; mais ce n’est pas tout : les cultivateurs, n’ayant eu qu’une récolte inférieure à la récolte moyenne, 13 hect. 92 par hectare, au lieu de 15 hect. 72, ont perdu de ce chef par hectare 1 hect. 80 valant à peu près 40 francs, ce qui représenterait, si tout le blé produit était vendu, pour l’agriculture seule, une perte totale, eu égard à l’étendue emblavée, de 273,723,400 francs.

La récolte de 1879 est moins favorable encore, puisqu’elle n’est évaluée qu’à 82 millions d’hectolitres ; c’est une des plus mauvaises que nous ayons obtenues depuis vingt-cinq ans. Elle nécessitera également des importations de l’extérieur, occasionnera au pays de nouveaux déboursés et laissera encore le cultivateur en perte. Ce n’est pas la France seule qui, cette année, sera éprouvée ; l’Europe entière est dans le même cas, et l’on n’évalue pas à moins de 90 millions d’hectolitres le déficit total qu’elle aura à combler et dans lequel l’Angleterre entre pour 50 millions. Voilà du reste cinq années que ce dernier pays est victime de l’inclémence des saisons ; aussi l’agriculture y est-elle dans une situation bien plus difficile encore et plus critique qu’en France.

L’insuffisance des récoltes est un malheur contre lequel il n’y a pas de remède. Quoi qu’on fasse, il y aura toujours des années favorables et des années défavorables à la végétation du blé ou des autres produits de la terre, et il ne sera jamais en notre pouvoir de faire qu’une mauvaise récolte ne soit pas une perte pour le pays qui la subit, puisqu’elle l’oblige, sous peine de famine, à se procurer au dehors les blés que le sol national ne lui a pas fournis, et une ruine pour le cultivateur, qui ne retire qu’une rémunération incomplète de ses peines et de ses sacrifices. On propose, il est vrai, devenir en aide à ce dernier et d’atténuer ses pertes en frappant d’un droit les produits agricoles venant de l’étranger, de façon à en hausser les prix d’une manière factice et à faire payer au consommateur une partie de la perte éprouvée par le cultivateur. Nous aurons à examiner plus loin l’efficacité de ce procédé ; bornons-nous quant à présent à signaler l’insuffisance des récoltes