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événement, comme il le disait il y a quelques années, il veut tenir l’Allemagne en selle. Il prend le non moyen en chargeant M. de Moltke d’augmenter ses régimens d’infanterie et ses batteries d’artillerie. S’ensuit-il que dès ce moment il se prépare à une guerre qu’il prévoit ou qu’il médite ? Il fait répéter partout qu’il n’en est rien, que cette puissance militaire, déjà démesurée, qu’il s’occupe à augmenter encore au centre de l’Europe, n’a qu’une destination défensive. Bref, au dire de M. de Bismarck, les armemens sont tout ce qu’il y a de mieux pour assurer la paix. Le discours impérial, lu ces jours derniers à l’inauguration de la session du Reichstag, confirme ce langage. Il ne parle que de dispositions amicales, de prévisions pacifiques, du désir qu’éprouve l’empereur d’Allemagne de « s’associer avec ardeur à tout ce qui sera fait pour assurer d’une manière durable la paix de l’Europe. » En un mot, la politique allemande reste « pacifique et conservatrice. » Que M. de Bismarck joigne à tout cela quelques sorties plus ou moins violentes, plus ou moins calculées, contre la Russie et la France, c’est, à ce qu’il paraît, une façon de donner plus de saveur aux déclarations pacifiques de l’Allemagne, Et puisque de si grands personnages daignent promettre la paix au monde. Il faut bien les croire. Il est permis seulement de suivra avec quelque intérêt le développement de leurs desseins pacifiques.

L’Angleterre, au milieu des armemens qui sont l’énigme de l’Europe, vient de voir s’ouvrir le plus pacifiquement du monde la dernière session d’un parlement qui, d’ici II peu, devra être renouvelé ; pour la chambre des communes du moins l’existence légale va être épuisée, l’heure des élections générales sonnera dans quelques mois, et depuis longtemps on n’aura vu une législature allant si exactement jusqu’au bout, marquée par de si sérieux événemens et par une telle longévité de ministère. La reine a inauguré en personne cette dernière session par un de ces discours qui ne sont pas de pâture à émouvoir l’opinion, à susciter d’ardentes luttes parlementaires, L’imagination de lord Beaconsfield, pour cette fois, ne s’est pas mise de la partie dans la préparation de la harangue royale. S’il y a des préoccupations, des troubles d’esprit sur le continent, le discours de la reine Victoria ne s’en fait pas l’écho ; il est d’une parfaite placidité sur les relations de l’Angleterre avec toutes les puissances, et il représente comme « certain le maintien de la paix européenne sur les bases établies par le traité de Berlin. » Voilà qui est rassurant et qui prouve au moins que l’Angleterre ne songe pas à figurer dans les combinaisons où les grands stratégistes de la diplomatie lui destineraient un rôle. La reine ne mentionne un certain nombre de questions toujours sérieuses que pour assurer qu’elles sont entrées dans la voie des solutions régulières. En avouant, au sujet de l’empire turc, qu’il reste « beaucoup à faire pour