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prophéties non réalisées. » M. Gladstone, le marquis Hartington, M. Bright ont beau jeu à leur tour et se préparent à se servir des armes que les événemens mettent à leur disposition pour la lutte prochaine. A la vérité, lord Beaconsfield expie un peu ses hardiesses d’imagination et son goût pour les coups de théâtre. Il n’a pas toujours réussi, il a ses mécomptes dans les expéditions lointaines comme dans les affaires de l’Irlande, qui ne sont rien moins que brillantes. Il n’est cependant pas homme à se tenir pour battu. Il garde, devant l’opinion, l’avantage d’avoir tenté un des plus énergiques efforts qui aient été vus depuis longtemps pour relever l’ascendant de l’Angleterre, d’avoir assuré de singulières satisfactions à l’orgueil national, et de tout ce qu’il a fait ou essayé, il en reste encore assez pour remuer la fibre britannique. Il a remis en honneur et en mouvement la politique traditionnelle de l’Angleterre que ses adversaires avaient laissée décliner, et il est plus facile de railler ses déceptions et ses présomptions que de relever contre lui le drapeau de la politique du ministère de M. Gladstone. Les uns et les autres se présenteront aux élections : à qui le scrutin populaire donnera-t-il raison ? On ne peut pas même le soupçonner encore, et l’élection qui vient d’avoir lieu, ces jours derniers, à Liverpool, n’est point un signe décisif. Le combat a été vif, il est vrai, les partisse sont essayés dans cette chaude rencontre qui n’est qu’un prélude, et le candidat tory, M. Whitley, l’a emporté sur le candidat de l’opposition, le jeune lord Ramsay, pour qui tout le parti libéral a donné, même lord Derby ; mais Liverpool appartient, depuis longtemps, aux conservateurs, et ce scrutin prouve simplement que le parti ministériel n’est pas facile à entamer. D’ici aux élections générales, les conditions de la lutte peuvent se modifier encore, et pour peu que les événemens le servent à demi, lord Beaconsfield, lui aussi, peut obtenir des électeurs son nouveau septennium ministériel. Il n’est rien de tel que d’être presque octogénaire pour se promettre de ces longs avenirs, pour aller au combat avec une ardeur toujours nouvelle !

Il y a des pays comme l’Angleterre où les luttes politiques gardent toujours une sorte de régularité puissante, il y en a d’autres où le régime parlementaire, moins ancien, moins intimement acclimaté, n’est pas à l’abri des accidens. Ce qui s’est passé en Espagne il y a deux mois était à coup sûr un accident aussi grave que bizarre qui hé pouvait se produire que dans un état constitutionnel assez novice. Il n’est pas naturel qu’en pleine discussion sur un des intérêts nationaux les plus sérieux, une partie de la représentation publique se retire des assemblées, que les minorités se réfugient dans une abstention systématique : c’est ce qui est arrivé à Madrid au mois de décembre.

Cet étrange incident s’était produit au milieu des débats parlementaires engagés sur les réformes de l’île de Cuba et à la suite de la crise ministérielle déterminée par cette discussion. Le général Martinez Campos,