Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les autres doctrines, il croit maintenant à cela comme Bonald à l’immaculée conception. »

« 22 avril. — On attaque Benjamin pour la constitution, qu’on appelle le benjamisme. Il connaît assez bien les formes des cadres; le fond, il ne s’en doute pas plus que les autres. »

« 24 avril. — Le benjamisme a pour lui M. de Sismondi, et même Auguste de Staël, qui est revenu de Coppet; Suard, qui ne voulait plus voir Benjamin, hier priait en grâce Panat de l’y mener. Celui-ci a refusé. »

« 6 mai. — Je ne sais si je vous ai dit que Mme de Staël est dans l’admiration de la constitution de Benjamin. Il est venu me voir et m’a montré une lettre de M. de Lafayette, qui est tout entier pour la constitution avec les Tracy et les Latour-Maubourg. Il m’a dit que la constitution faisait des progrès tous les jours dans l’opinion, et que moi-même j’en serais dans l’admiration avant huit jours. »

Telle ne parait pas avoir été l’opinion définitive de Montlosier, et nous lisons dans une lettre du 1er juin un post-scriptum ainsi conçu : « Benjamin m’a répété que l’empereur lui avait parlé de moi. — Pourquoi s’est-il mis contre nous? a-t-il dit, pourquoi soutient-il que ma constitution n’est qu’un plan de campagne? »

Il faut reconnaître que les nouveaux procédés parlementaires justifiaient ces méfiances. Les théories libérales n’entraient pas facilement dans la pratique. A la chambre des représentans, Regnault, qui n’était pas membre de la commission de l’adresse, avait des amendemens à proposer. N’ayant pas eu le temps à l’assemblée, il saisit la commission. Prenant la plume d’autorité, il se mit alors à faire, sur le projet d’adresse adopté, les corrections, additions et mutilations qui lui convinrent. M. de Lafayette s’y opposa vainement.

Le lendemain de ce succès, nous apprend Montlosier, on crut pouvoir être plus hardi au sénat. Le gouvernement y envoya une adresse toute préparée. M. de Latour-Maubourg s’éleva fortement contre cette irrévérence. A la fin, l’adresse envoyée fut adoptée de lassitude. Parmi toutes les rédactions, il paraît que celle de Garat était la plus servile. Ce n’était pas ambition ou cupidité, c’était abaissement de la peur.

Pour tout homme raisonnable, les paroles de Mme de Staël à M. de Lavalette le 6 mars étaient prophétiques. C’en était fait de la liberté, si Bonaparte triomphait, et de l’indépendance nationale, s’il était battu.

Les armées étrangères, en ramenant pour la seconde fois Louis XVIII, ramenaient avec lui toutes les passions de représailles. Montlosier, dégoûté des hommes, ne voulait plus être acteur