Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La matière transportable n’est pas indéfinie; si vous grevez l’entreprise d’un double capital de premier établissement, votre prix de revient de péage augmente, et par suite les tarifs devraient être surélevés. Malgré le monopole, le critérium du prix de transport sera toujours la valeur ; et on ne pourra jamais demander à la marchandise que le tarif qu’elle peut supporter.

Et d’ailleurs si cette idée de concurrence continue à être en faveur auprès du public, qui ne se rend pas bien compte des conditions économiques de la question des transports, il n’en est pas ainsi dans les sphères parlementaires, car le principal grief relevé contre la compagnie d’Orléans, dans la publication dont nous avons déjà eu occasion de parler, c’est précisément la concurrence faite aux chemins de l’état; concurrence déloyale, bien entendu (la concurrence est toujours déloyale pour celui qui en souffre). On conclut qu’il faut faire disparaître la compagnie d’Orléans pour supprimer la concurrence. Si cette conclusion était exacte, on serait en droit de se demander comment l’état, qui trouve détestable aujourd’hui la concurrence faite à ses chemins par la compagnie d’Orléans, a pu se décider naguère à concéder le chemin des Charentes... La réponse à cette question nous semblerait difficile à faire. — Si l’état se substitue à la compagnie d’Orléans, il ne vivra pas, comme elle le fait, en bonne intelligence avec ses voisins ; il se plaindra bientôt de la concurrence, toujours déloyale, que lui fera l’Ouest à Brest, à Redon, à Châteaubriant, à Angers, et pour la faire cesser, il supprimera l’Ouest. Il s’élèvera non moins énergiquement contre la concurrence que lui fera le Lyon à Gien, à Nevers, à Moulins, à Gannat, à Arvant, et il rachètera le Lyon pour la faire cesser.

Monopole pour monopole, l’état vaut-il mieux qu’une compagnie? La réponse à cette question est difficile à faire. La situation actuelle offre au moins cet avantage que l’état conserve un droit de tuteur sur les compagnies, droit qui lui permet de réprimer, s’il y a lieu, les écarts ou les abus de pouvoirs auxquels elles seraient tentées de se livrer. Il ne faudrait pas croire que, dans l’état actuel des choses, le gouvernement est désarmé, il intervient dans bien des circonstances entre le public et les compagnies.

En première ligne, l’état n’a-t-il pas le droit d’homologation? Avons-nous besoin de rappeler ici qu’aucun tarif ne peut être mis en vigueur sans avoir été autorisé par le ministre? Cette autorisation n’est donnée qu’après l’avis d’agens spéciaux, qui consultent les chambres de commerce, se rendent compte de la portée du tarif nouveau et peuvent entrer en pourparlers avec la compagnie elle-même. Le ministre n’a pas à déduire les motifs de son refus d’homologation;