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LA MÉDITERRANÉE.


Pont Saint-Louis (Menton, 1877).



Enfin je te revois : salut, mer au flot pur,
Souriante au soleil, dangereuse et charmante,
Ma préférée, ô toi qui sais rester d’azur,
         Même dans la tourmente !

Je viens vers toi, lassé de l’océan brumeux,
De sa plainte éternelle et de son flot sauvage ;
Que toute la gaîté vivante en ton rivage
         M’entre au cœur par les yeux !

J’ai soif de voir au vent se bercer les fleurs blanches
Des orangers semés sur tes coteaux brûlans.
De voir tes oliviers, géans de deux mille ans,
         Pencher vers toi leurs branches.

Lorsque du sol brisé les Alpes de granit
Jaillirent, à leurs pieds elles virent, surprises,
Miroiter au soleil ton azur qui frémit
         Sous le souffle des brises.

Et depuis ce moment les grands monts sérieux,
Levant leurs sommets nus que la foudre déchire.
Arrêtés devant toi, du haut des vastes cieux,
         Te regardent sourire.

La montagne vieillit ; on sent du long hiver
Peser sur son front blanc et ridé la tristesse ;
Mais ne voyons-nous pas en toi bondir, ô mer,
         L’invincible jeunesse ?

Sous les rames ainsi tremblaient tes flots mouvans
Quand les flottes des Grecs, fuyant des ports d’Athènes,
S’envolaient en essaim vers tes profondes plaines,
         Enflant leur aile aux vents.