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temps, non pour voir plus clair dans la situation politique, qu’elle comprend fort bien, mais pour rompre les liens plus étroits qui l’attachent à l’union républicaine. Comme elle est libérale et conservatrice au fond, elle viendra, tôt ou tard, se réunir au centre gauche tout entier, redevenu indépendant. L’union républicaine a des principes et des traditions qui ne permettent pas d’espérer une telle conversion. Mais ce ne serait point lui rendre justice que de ne pas reconnaître en elle un radicalisme plus politique et plus pratique que celui du groupe qui porte le même nom dans la chambre des députés. Elle restera une minorité de plus en plus isolée au sénat. Cette évolution des groupes de centre gauche et de gauche s’y fera d’autant plus facilement que le sénat est moins sujet que l’autre chambre aux vicissitudes de la fortune électorale, le corps qui l’élit étant reconnu plus stable, plus modéré, plus éclairé que le suffrage universel. Quant aux sénateurs à vie, ils n’ont à compter qu’avec leur raison et leur conscience. Ce n’est donc pas pousser l’optimisme trop loin que d’espérer dans le sénat une chambre de résistance aux lois antilibérales et aux réformes funestes de la politique jacobine et radicale.

Nous avons eu le regret de voir que la campagne libérale, qui a commencé au sénat par la discussion de la loi sur le conseil de l’enseignement supérieur, n’a pas débuté par un succès. Si les honneurs de cette discussion ont été surtout pour les orateurs qui ont combattu cette loi avec une grande éloquence, la victoire est restée au ministre qui l’a défendue en habile avocat. Il faut que les nécessités politiques, c’est un mot dont on abuse beaucoup, aient paru bien pressantes au sénat pour qu’il n’ait pas été plus frappé des raisons de justice, de dignité, d’indépendance, d’autorité, de bonne administration, que les adversaires de la loi ont fait valoir avec tant de force et d’éclat. Deux droits incontestables, deux grands intérêts étaient en présence : le droit et l’intérêt des écoles de l’état, le droit et l’intérêt des écoles libres. L’ancienne loi avait réussi, selon nous, à les concilier, en instituant, sur l’initiative de M. Jules Simon, alors ministre de l’instruction publique, à côté du conseil supérieur, un véritable conseil universitaire, sous le nom de conseil consultatif. C’était la meilleure solution du problème. La société conservait ses garanties, pour l’enseignement libre, par la composition du conseil supérieur. L’état conservait toute son autorité et toute son action sur l’enseignement de ses écoles par la composition du conseil universitaire. Nul droit n’était méconnu; nul intérêt n’était sacrifié. Les auteurs de la loi nouvelle ont trouvé une solution plus simple du problème ; ils l’ont résolu par l’omnipotence de l’état. Espérons toujours que la question de liberté sera mieux comprise au sénat, quand viendra le vote sur l’article 7.