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mutuel. Quand ce crédit sera établi, prétendait-il, il donnera l’outil à l’ouvrier... Le problème du crédit fut ainsi abordé, mais sans préparation suffisante. Les statuts d’une banque d’échange furent même formulés. Cependant le congrès parut comprendre que ce n’est point par un mécanisme plus ou moins parfait de l’échange que l’on peut modifier la répartition. Le projet fut renvoyé à une commission, c’est-à-dire enterré. Quant aux machines, voici les résolutions adoptées : « Ce n’est que par les associations coopératives et le crédit mutuel que la production peut arriver à la possession des machines ; néanmoins dans l’état actuel, il y a lieu pour les travailleurs constitués en sociétés de résistance, d’intervenir dans l’introduction des machines, afin qu’elle n’ait lieu qu’avec certaines garanties ou compensations pour l’ouvrier. » Voltaire rappelle que les préteurs à Rome, quand ils trouvaient qu’une cause n’était pas suffisamment instruite, traçaient sur le dossier deux lettres: N. L.: Non liquet. « Ce n’est pas clair. » Ne pourrait-on sans irrévérence inscrire à côté de ces conclusions N. L. ?

Dans la discussion sur la grève apparaît clairement le but principal poursuivi par l’Internationale. Le délégué Graglia, de Genève, montre que la grève des maçons y a réussi, parce que les maîtres ont cru que des secours considérables avaient été envoyés d’Angleterre, de France et de Belgique. Il faut donc, disait-il, que partout les ouvriers s’associent en sections et forment des caisses de prévoyance qui deviendront à l’occasion des caisses de résistance. Que partout, dans chaque ville, dans chaque village, des groupes se forment, qu’ils s’unissent par un lien international, et que la classe laborieuse tout entière vienne au secours de ceux qui résistent « pour défendre les droits du travail. » De cette façon, il n’y aura même plus de grèves, car les patrons, convaincus d’avance qu’ils succomberont, céderont avant qu’il y ait lieu d’y avoir recours. Telle est l’idée primitive de l’Internationale; mais les adeptes nouveaux la trouvèrent étroite et mesquine. C’était tout simplement l’idée des trade-unions anglaises, qui, acceptant le salaire comme un fait, s’efforcent simplement de l’élever autant que possible. Ce qu’il fallait poursuivre, suivant les « internationaux » du continent, c’est non l’augmentation du salaire, mais l’abolition du salariat par la transformation radicale de l’ordre social. La coalition et la grève ne sont donc qu’un pis-aller en attendant mieux. Voici les déclarations adoptées à ce sujet : « La grève n’est pas un moyen d’affranchir complètement le travailleur, mais elle est souvent une nécessité dans la situation actuelle de la lutte entre le travail et le capital. Il y a lieu de soumettre la grève à certaines conditions d’organisation, d’opportunité et de légitimité; — au point de vue de l’organisation de la grève, il y a lieu, dans les professions qui n’ont