Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils ajoutent « qu’afin de rester dans les termes de la loi française, les nouveaux adhérens ne constitueront aucune organisation ou association en France. Ils se contenteront d’envoyer chaque année leur cotisation en bloc au conseil général. » En Belgique, les ouvriers drapiers de Verviers, les ouvriers cotonniers de Gand, les mineurs du Hainaut et un grand nombre de métiers de Bruxelles adhérèrent en foule. Un journal flamand, le Werker, est créé. La Hollande est envahie à son tour. Les associations allemandes réunies à Nuremberg s’affilient. En Italie comme en France, les poursuites judiciaires attirent l’attention des ouvriers et les poussent vers l’Internationale. Elle prend pied à Vienne, où se fonde le Wiener Arbeiter-Zeitung, à Pesth, dans les principales villes d’Espagne, et elle étend ses ramifications en Amérique et jusqu’en Californie. Au congrès de Bâle, les rapports lus pendant les premières séances constatent tous ces progrès. Le Times écrivait à ce sujet : « Il faut remonter à l’origine du christianisme ou à l’époque de l’invasion des barbares pour trouver un mouvement analogue à celui des ouvriers aujourd’hui, et il semble menacer la civilisation actuelle d’un sort semblable à celui que les hommes du Nord ont infligé au monde ancien. » C’était en effet le moment de l’expansion, qui devait être suivi bientôt d’une décadence non moins rapide.

Le congrès de Bâle, qui tint sa séance du 5 au 12 septembre 1869, n’eut rien de farouche. Il emprunta au beau pays qu’il avait honoré de son choix ce caractère d’idylle qu’y prennent volontiers toutes les réunions. Les délégués, au nombre de quatre-vingts, furent reçus par les membres des sections de Bâle-ville et de Bâle-campagne au Café national. Un cortège composé d’environ deux mille personnes se forma et se dirigea à travers la ville, musique en tête et bannières déployées, vers le jardin d’une brasserie où chacun prit place tandis que la société du Grütli chantait. Le discours de bienvenue aux délégués fut prononcé par le citoyen Bauhin, qui était, en même temps que président des sections bâloises, procureur général du canton. Ce curieux cumul de fonctions ne semble avoir étonné personne.

Le congrès, après avoir entendu pendant les trois premiers jours, à deux séances par jour, les rapports du conseil général et d’un grand nombre de sections, reprit l’examen des questions déjà décidées à Bruxelles, celles de la propriété foncière et des sociétés pour les grèves; naturellement elles furent résolues dans le même sens par cinquante-quatre oui contre quatre non et treize abstentions. La résolution suivante fut adoptée : « Le congrès déclare que la société a le droit d’abolir la propriété individuelle du sol et de faire entrer le sol à la communauté. » — Chose étrange, aucun des congrès de l’Internationale ne s’était encore occupé des maisons et du capital