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par entendre les rapports sur la situation dans les différens pays. Le représentant de l’Espagne, Farga Pelissier, fut le seul qui pût donner des nouvelles favorables; on y comptait plus de sept cents associations diverses avec cinquante mille membres, et bientôt on verrait les ouvriers des grandes villes se soulever en masse pour faire triompher le principe de l’anarchie. On s’apercevait que Bakounine avait été l’apôtre du socialisme en Espagne. Dès 1871 et 1872, la propagande socialiste était si active que le ministre des affaires étrangères du roi Amédée envoya à tous les agens diplomatiques une circulaire en date du 9 février 1872, proposant à tous les gouvernemens une action commune pour l’arrêter partout. Lord Granville répondit en objectant le droit d’asile admis par les lois anglaises, et ce projet de croisade n’eut pas de suites. Les désordres dont la Péninsule fut bientôt le théâtre vinrent prouver cependant que le danger n’était pas imaginaire. Les nouvelles des autres pays étaient assez décourageantes. Les divisions des chefs avaient arrêté la propagande. Les débats n’offrirent rien d’intéressant. Les autonomistes firent sans peine prévaloir leurs idées. Le conseil général fut supprimé aux applaudissemens enthousiastes de l’assemblée. Plus d’autorité, plus de direction, tel est l’idéal. Chaque congrès détermine la localité où se réunira le congrès suivant et la fédération d-:; cette localité tient la correspondance, sert d’intermédiaire et prépare les questions à traiter. Aucune rétribution n’est exigée. Ainsi ni gouvernement ni budget. On arrive presque à la perfection absolue, qui consisterait à tout supprimer. Le compagnon Van den Abeele fait une objection : « Nous autres. Hollandais, dit-il, nous sommes partisans de la méthode expérimentale. Un pouvoir central est mauvais. Essayons d’établir trois commissions. J’admets l’anarchie, mais sommes-nous assez forts pour l’appliquer immédiatement? — Comment! répond le délégué français Brousse, vous voulez abattre l’édifice autoritaire ; l’anarchie est votre programme, et vous reculez devant les conséquences de votre œuvre! Encore un coup de hache et que tout s’écroule. » Ils travaillaient en effet à enterrer leur association. Les résultats naturels de leurs principes devaient se produire. De l’impuissance on allait passer à la non-existence.

Eccarius, le lieutenant de Marx, dont il venait de se séparer et le seul qui eût quelque valeur parmi les u autonomistes » présens, résuma en quelques mots l’histoire de l’Internationale dans son discours de clôture : « L’ancienne Internationale, dont la première pierre fut posée à Saint-Martin’s-Hall, le 28 septembre 1864 et dont l’édifice fut achevé au congrès de Genève en 1866, a cessé d’exister. Celle que nous fondons en est complètement distincte. L’initiative était venue des unions de métiers de Londres, qui voulaient