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composition et les transitions insensibles qui rattachent les masses modifiées aux couches sédimentaires, ou bien encore par la présence de fossiles au milieu même des minéraux adventifs, comme dans la roche de Rothau, où les polypiers ont été remplacés sans altération de leur forme et par conséquent sans ramollissement notable de la masse, par des cristaux d’amphibole, de grenat et d’axinite. Le métamorphisme sous ses deux aspects, qui diffèrent surtout par leurs proportions, peut avoir affecté des terrains d’âges très variés. En Russie, les assises les plus anciennes ont généralement conservé leur faciès, on pourrait dire leur fraîcheur originelle, tandis que dans les Alpes des calcaires aussi récens que nos gypses de Montmartre sont devenus noirs et cristallins. Sans doute les causes du phénomène sont complexes : tout d’abord la chaleur, car il provoque la formation de minéraux anhydres et se montre dans les régions disloquées qu’ont réchauffées le flux interne et surtout les actions mécaniques ; ensuite l’intervention de vapeurs minéralisatrices comme les fluorures et les chlorures. Toutefois la chaleur et les émanations seraient impuissantes k expliquer seules l’uniformité de l’action qui s’exerce sur des épaisseurs immenses, et l’apparition de minéraux cristallisés au sein de roches à peine modifiées. Mais la vapeur d’eau qui accompagne en abondance toutes les éruptions modernes et que les laves incandescentes retiennent jusqu’à leur solidification, semble avoir joué un rôle prépondérant toutes les fois qu’elle a pu agir sous une forte pression.

C’est pour vérifier ce que l’observation suggère ainsi, que M. Daubrée a exécuté une série d’expériences fort dangereuses, mais des plus instructives. Un tube de verre contenant de l’eau et fermé à la lampe est placé dans un tube de fer très résistant et muni d’un bouchon vissé ou mieux soudé à la forge. Un peu d’eau laissée autour du verre l’enveloppe d’un matelas de vapeur et en prévient la rupture, quelle que soit la tension. Les appareils sont rangés sous une épaisse couche de sable dans un four à cornues d’usine à gaz, et exposés ainsi pendant plusieurs semaines à une température de 400°. Parfois le fer, quoique d’excellente qualité, se rompt sous l’énorme effort qui atteint peut-être un millier d’atmosphères : le tube se boursoufle et se crève suivant sa longueur, disposition qui rappelle la gibbosité de l’Etna et l’échancrure du Val-del-Bove, rapportées du reste par M. Élie de Beaumont à une explosion de ce genre. Après un lent refroidissement, les tubes ouverts laissent voir, à la place du verre, une masse blanche, opaque, poreuse, tantôt friable comme le kaolin, tantôt dure comme l’onyx, toujours fibreuse et le plus souvent schisteuse. Le verre a perdu moitié environ de la silice et un tiers de l’alcali, mais il s’est gonflé en absorbant de l’eau : il est devenu fusible et attaquable aux acides.