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les plus ordinaires dans les chaînes de montagnes. Ploiemens et renversemens, crets et combes, voûtes déchirées à leur sommet, crevasses, chevauchemens et inflexions plongeantes, tout ici rappelle la nature avec une telle exactitude que les photographies qu’on en a pu faire semblent autant de vues prises dans quelque région classique, comme l’Oisans ou le Salève, le Jura ou la Suisse. A la vérité, on peut dire que les sédimens, même imbibés par les eaux, n’étaient pas en général, à l’époque de leurs bouleversemens, au même état de plasticité que la terre glaise. Mais n’est-ce pas là seulement une question de mesure dans l’énergie de la pression mise en jeu, et ne sait-on pas qu’avec une force suffisante M. Tresca, dans une expérience justement célèbre, a réalisé l’écoulement des corps solides? La fluidité des corps dépend en effet des conditions mécaniques auxquelles ils sont soumis, et les différences les plus tranchées dans les circonstances ordinaires peuvent s’effacer par la variation d’une seule de ces conditions. Si à une température fixe on exerce un effort puissant sur un solide en laissant à ses élémens toute liberté pour s’échapper par une voie déterminée, on favorise en réalité le mouvement relatif des molécules, on les aide à s’affranchir de leurs liens réciproques ; en un mot, on abaisse le point de fusion. Ainsi en comprimant, au-dessus d’un orifice circulaire, une pile de lames métalliques, M. Tresca a obtenu une veine solide dont les diverses coupes révèlent une structure en tout semblable à celle d’une veine liquide. Les mêmes lames refoulées contre un obstacle résistant s’écoulent aussi latéralement en formant une bavure évasée en demi-éventail. Plus la pression augmente, plus la fluidité s’accroît : à 200 atmosphères, par exemple, elle est complète pour le plomb. Non-seulement les métaux tenaces, les argiles molles, mais aussi les sables secs se conforment aux mêmes lois, et ces phénomènes, quelque peu inattendus, montrent comment les couches solides si variées de l’écorce terrestre ont pu s’onduler sans se rompre, se replier avant de se briser, refluer à travers des cassures étroites et affecter en grand dans la nature les apparences de masses pâteuses ou fluides. Ainsi, sans prétendre atteindre à une identité absolue dans les procédés, et sans oublier d’ailleurs que plus d’un accident naturel n’a pu encore être reproduit, on doit reconnaître que les expériences poursuivies séparément à Genève et à Paris par des méthodes fort différentes permettent tout au moins de rattacher les traits principaux de la configuration du sol à une conception mécanique des plus simples.

En même temps qu’elle se bosselle et se ride, l’écorce du globe se fêle et se fend : les fractures qui la divisent en compartimens déterminent en partie le modelé de sa surface. Souvent les deux