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négligence du service, des mauvais sentimens de l’état-major et notamment de M. Victor de Broglie.

Le 8 juillet, M. de Schwendt, alors juge au tribunal de cassation, encourage Diétrich, l’adjure de continuer son œuvre : Conservez Strasbourg à la France par tous les moyens de vigueur et de force dont vous êtes capable.

Le 25 juillet, le manifeste du duc de Brunswick, répandu en France à des milliers d’exemplaires, par la poste et par des agens secrets, surexcite le sentiment national ; les jacobins exploitent cette indignation légitime ; le 10 août éclate ; le 19, les commissaires de la convention, Saint-Just et Le Bas, arrivent à Strasbourg. Leur premier soin est de casser les administrateurs, qui sont arrêtés et transférés à Metz. Ce travail ne comporte point le récit des excès de tout genre qui se produisirent en Alsace de 1792 à 1794. Les clubs dominaient tout, réglaient tout. L’esprit public était enfiévré par les bruits les plus extraordinaires, des nouvelles invraisemblables, des alertes de chaque jour, des placards provocateurs. Les municipaux sont transférés à Châlons et à Metz, les officiers nobles internés à Auxerre ; les riches taxés à 10 millions d’emprunt forcé ; l’ère des visites domiciliaires, des réquisitions et des meurtres commence au nom du salut public.

Le 25 brumaire an II, on affiche cet ordre de Saint-Just : « Dix mille hommes sont nu-pieds dans l’armée ; il faut que vous déchaussiez tous les aristocrates de Strasbourg dans le jour, et que les dix mille paires de souliers soient demain sur la route du quartier-général. »

Milhaud disait au club des Jacobins de Paris :


C’est au brave Dietch, commandant la place de Strasbourg, qu’on doit le salut de cette ville. Il a déjoué tous les complots, et démasqué tous les traîtres. On a arrêté plus de deux cents notaires et banquiers ; il y a parmi ces coquins beaucoup de juifs fort riches et très durs, on ne leur fait cracher leur or qu’en les tenant attachés quelques heures aux poteaux de la guillotine, les jours de fête civique où l’on raccourcit les mauvais Français.


Ces détestables excès trouvaient une sorte d’excuse dans les provocations de l’ennemi et dans les imprudentes menaces que se permettaient les émigrés. Le général Michaud avait surpris sur un paysan une lettre adressée à un habitant qui demeura inconnu et signée du marquis de Saint-Hilaire, l’un des officiers de la légion noire, qui paraissait avoir repris pour son compte les projets de M. de Vioménil. On afficha cette lettre qui fit tomber trente têtes. En voici quelques extraits.