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des mandats pour saisir et vendre les meubles, les troupeaux, les maisons, les immeubles et tous les biens de sept cent cinquante personnes. Toutefois les actionnaires riches eurent bientôt mis à la disposition des liquidateurs près des trois quarts du montant du passif. En moins d’une année, les liquidateurs ont pu distribuer 185 millions. Cependant la session des assises s’était ouverte; les chefs de la Bank of Glasgow, MM. Stronach, Potter, Stewart, Salmon, Taylor, Inglis et Innés Wright, comparaissaient devant la haute cour à Edimbourg, composée de lord Moncriff, président, lord Mure et lord Craighill. Les débats, conduits avec une extrême modération, précisément parce que l’opinion publique était surexcitée, fournirent les plus curieuses révélations sur les causes d’une si grande catastrophe.

La banque de Glasgow ne s’était en réalité jamais bien relevée des pertes qu’elle avait essuyées en 1857. De là des embarras permanens qui avaient conduit ses directeurs à des entreprises de plus en plus déplorables. La banque avait acquis 40,000 acres à Poverty-Bay, dans la Nouvelle-Zélande, et 12,000 en Australie; elle avait placé 26 millions en actions et obligations de chemins de fer aux États-Unis et au Canada, chemins de fer en suspension de paiement; elle avait avancé à trois maisons de banque qui tombèrent avec elle, MM. Morton et C°, Smith Fleming et C°, James Nicol Fleming, la somme fabuleuse de 134 millions. M. Morton, après avoir fait en près de dix ans pour 200 millions d’opérations diverses avec la banque, est demeuré son débiteur de plus de 60 millions. Ce qui était encore plus grave, c’est que les livres avaient été altérés, les dettes diminuées, l’actif augmenté à concurrence de 25 millions environ, le droit d’émission sextuplé.

Le jury dut donc condamner tous les accusés.

Enfin une dernière circonstance vint ajouter encore aux réflexions et aux préoccupations de l’opinion publique. Beaucoup de femmes mariées placent, en Angleterre, leurs dots en actions de banques, à raison de l’exactitude et du taux des dividendes. Il en est de même en France. La banque de France compte les femmes mariées sous le régime dotal parmi ses plus fidèles cliens. D’après la coutume anglaise, la dot est administrée par des trustees qui touchent les revenus et en remettent le montant à la femme ou à son mari. Les trustees sont de véritables fidéicommissaires ; les emplois se font directement en leur nom. Parmi les actionnaires de la banque de Glasgow figuraient soixante-seize trustees. Étaient-ils responsables personnellement et solidairement vis-à-vis de la masse des actionnaires? Les liquidateurs devaient-ils les considérer comme des actionnaires? Se guidant d’après les précédens,