Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/556

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraîtrait convenable de classer dans le muséum ou dans la bibliothèque nationale, et de ceux dont on pourrait former dans les départemens des espèces de sections de ces grands monumens. » Les ordres du ministre furent exécutés. Bientôt le comité d’instruction publique reçut un certain nombre d’inventaires et en fit l’objet de rapports à la convention[1]. L’assemblée alloua des gratifications aux citoyens qui s’étaient dévoués à ce travail. Des commissions nommées dans les grandes villes prirent des mesures pour ranger et classer les œuvres d’art des dépôts et pour en former des musées publics. Dès l’an III (1795), Toulouse, Tours, Lille, purent ouvrir leur musée au public. D’autres musées furent inaugurés dans le cours des années suivantes, de 1797 à 1799 : les musées d’Angers, de Grenoble, du Mans, de Dijon,

Le décret de brumaire an V (1796), ordonnant la restitution à leurs propriétaires de tous les objets leur appartenant, eût pu porter un coup funeste aux musées en formation et aux musées nouvellement créés, mais il semble qu’un très petit nombre de personnes eurent l’idée ou furent en situation de présenter des réclamations. Il semble aussi que toutes les réclamations ne furent pas accueillies. Un exemple entre plusieurs. En 1798, François de Bernis, neveu du cardinal, demanda que la galerie de son oncle, dont, à la suite de la confiscation, les tableaux avaient été placés au musée de Toulouse, lui fût restituée. Ses premières demandes restèrent sans résultat. Il fit plus tard appuyer ses réclamations par le cardinal Fesch et par le prince de Talleyrand. Mais le ministre de l’intérieur ayant demandé l’avis du préfet de Toulouse et du démonstrateur du musée, et celui-ci ayant déclaré que les tableaux de la collection de Bernis « faisaient le plus bel ornement de la galerie, que leur disparition produirait un vide à fermer le musée, » tout projet de restitution fut abandonné. On accorda seulement à M. de Bernis l’autorisation de faire retirer « treize portraits de famille déposés dans les magasins du musée. » — Au reste, la sollicitude de l’état à l’égard des musées des départemens ne cessait pas de se manifester. En 1798, Heurtaut-Laneuville fit un rapport au conseil

  1. Toutes les municipalités cependant ne s’empressèrent pas d’exécuter la circulaire de Roland. Il fallut la remettre à l’ordre du jour par de nouveaux décrets en date du 8 pluviôse et du 22 germinal an II. Il est permis de supposer que les municipalités, tout en approuvant les projets de Roland pour la création de musées départementaux, étaient un peu effrayées de cette phrase de la circulaire : « On jugera des objets qu’il serait convenable de classer dans le muséum de Paris. » Les municipalités craignaient, si elles envoyaient les inventaires réclamés, que leur ville ne fût dépossédée de ses meilleures toiles. Et, en effet, il y a aujourd’hui au Louvre quelques tableaux qui proviennent des musées ou, à mieux dire, des dépôts départementaux, entre autres le Parnasse de Mantegna et le Combat de l’Amour du Pérugin. Ces tableaux ont été évidemment transférés au Louvre en exécution de la circulaire ministérielle du 3 novembre 1792.